dimanche 24 février 2013

Metallica - And Justice For All ...



METALLICA - ... AND JUSTICE FOR ALL (1988)
Elektra ‎– 60812-1 - USA


Fauché en pleine gloire par la mort tragique de leur bassiste Cliff Burton, Metallica n'hésitera pourtant pas longtemps à poursuivre sa route. C'est ce que Cliff aurait voulu: voilà leur motivation. Trois semaines après l'accident, l'heureux élu est choisi. Il s'agit du bassiste et principal compositeur d'un groupe de l'Arizona, Flotsam and Jetsam, justement très influencé par Metallica et toute la scène de la Bay Area. Son nom: Jason Newsted. Afin de l'aider à s'acclimater et pour le présenter aux fans, les Mets enregistrent un mini-album de reprises, "The $5.98-Garage Days Re-revisited EP".

Pour son nouvel album, Metallica doit relever deux défis: faire aussi bien que "Master Of Puppets" et intégrer son nouveau bassiste en lieu et place de Cliff, considéré comme l'un des meilleurs de sa génération. C'est en 1988 que sort ce "...And Justice For All", qui s'avérera être l'album le plus sombre, le plus riche et le plus ambitieux de la discographie des Four Horsemen.

Les morceaux sont encore plus complexes, plus longs, plus techniques, plus fouillés. Globalement mid-tempo, Metallica sait pourtant toujours faire du thrash rentre dedans. L'album commence et se termine comme "Master Of Puppets" par deux hymnes thrash: "Blackened" et "Dyers Eve". Le premier est un véritable chef-d'œuvre, avec son intro lancinante en crescendo. Le riff thrash qui suit est excellent et très efficace, une vraie merveille. Le morceau est entrecoupé d'un passage plus lent à l'ambiance oppressante, tout bonnement génial, sur lequel il est impossible de ne pas se lancer dans une séance frénétique d'headbanging. "Dyers Eve" est une manière brutale de conclure cet album, qui ne pouvait de toute manière que se terminer ainsi. Certainement le morceau le plus rapide composé par le groupe, avec ses paroles très fortes sur lesquelles je reviendrais plus tard. Le titre ne se calme que lors de rares et courts passages. Une sacrée gifle!

En ce qui concerne les autres titres, leur rythme plus posé n'enlève rien à leur qualité. Metallica fait encore preuve d'un talent incomparable pour les riffs. L'arpège d'intro très douce du titre éponyme avant l'arrivée du riff très lourd, le riff en crescendo lui aussi pesant de "Eye Of The Beholder", celui de "The Shortest Straw" tout en puissance, l'intro de "The Frayed Ends Of Sanity" qui reprend l'air des soldats de la Méchante Sorcière de l'Ouest dans "Le Magicien d'Oz", tout cela n'est qu'un florilège des nombreuses richesses musicales qui vous attendent à l'écoute de cet album.

Je tiens quand même à m'attarder sur deux morceaux, les deux meilleurs de "...And Justice For All" selon moi. Il s'agit de "One" et de "To Live Is To Die". "One" est sans doute la plus belle chanson que Metallica ait jamais composée, une semi-ballade grandiose. Celle-ci a d'ailleurs fait polémique à l'époque. Certains fans à l'esprit un peu étroit y ont vu un retournement de veste du groupe, qui aurait vendu son âme à l'industrie du disque. En plus, les Mets tournent leur premier clip pour ce morceau alors qu'ils avaient juré de ne jamais en faire. Vous vous rendez compte? Le même genre d'attitude avait suivi la sortie de "Ride The Lightning"sur lequel la semi-ballade "Fade To Black" avait déjà donné des cauchemars à certains. Mais parlons musique. "One" s'ouvre sur des bruitages de guerre avant que de jolis arpèges et qu'une mélodie mélancolique à souhait viennent caresser nos oreilles mis à mal par trois premiers morceaux très agressifs. La batterie n'apparait qu'à la 54è seconde et à 1'45 la voix de James se fait entendre, pleine de nostalgie et de souffrance. Un court passage plus agressif vient nous sortir soudainement de notre béatitude, où James, dans la peau d'un handicapé de guerre, implore Dieu de le laisser mourir. Le schéma calme et petit passage violent est répété une fois puis un magnifique solo fait son apparition, avant que ce même passage violent ne revienne sur des paroles légèrement modifiées. Le morceau enchaîne ensuite sur une série de riffs tout en harmonies et un jeu de batterie très lourd. Tout celà nous amène au passage mythique. L'enchaînement mélodie/violence atteint alors son paroxysme. 4'32: les guitares passent au second plan la batterie joue le premier rôle, la double mime à la perfection une rafale de mitraillette. Les guitares réapparaissent après 4 secondes, très brutales et renforcent le thème guerrier. James entame ses vers légendaires ("Darkness, imprisoning me, All that I see, Absolute horror..."), où se mèlent colère et désespoir. Kirk exécute ensuite de somptueux soli et le morceau finit de façon apocalyptique sur un riff très brutal que Lars ponctue en martelant ses fûts et ses cymbales. Fantastique.

Le deuxième morceau sur lequel il serait injuste de ne pas s'arrêter est "To Live Is To Die". Quasiment instrumental, ce morceau est l'une des plus belles oeuvres de Metallica. Mais c'est avant tout un magnifique hommage à Cliff, le titre regroupant des riffs de sa composition enregistrés quelques mois avant sa mort. L'intro acoustique en crescendo est sublime, on ressent toute la tristesse causée par la perte d'un être cher. Après une minute, un martèlement crescendo vient briser la mélodie, un gros riff nous martèle la tête. La tristesse fait place à la colère. S'ensuivent riffs, harmonies et soli dans une ambiance à la fois de colère et de mélancolie. Une rupture brutale fait rebondir le morceau à la cinquième minute. Plus calme, plus planant (presque atmosphérique), ce break sera accompagné par un solo sublime qui parachèvera cette note de mélancolie qui domine tout le morceau. La suite est plus agressive tout en restant mélodique. Puis c'est le retour du gros riff qui avait suivi l'intro acoustique, mais quelques vers parlés viennent s'ajouter, en guise d'adieu au grand Cliff. Ce chef-d'œuvre se termine de la même façon qu'il s'était ouvert. Bouleversant.

Saluons une nouvelle fois la performance des musiciens. Lars a encore étoffé son jeu et se sert beaucoup plus de la double pédale. Kirk nous sort des soli complètement dingues. Écoutez moi ceux là: "Blackened" (4'31), "Eye Of The Beholder" (4'25), "Harvester Of Sorrow" (3'41), "The Frayed Ends Of Sanity" (4'26) et "To Live Is To Die" (3'16). Qui dit mieux? La voix de James s'est encore améliorée, elle est devenue plus grave, plus rauque, plus virile. Personnellement, je trouve qu'il est à son apogée au niveau des vocaux. Sa performance sur "One", notamment, est remarquable. Son talent de parolier est également mis à contribution. On pourrait presque parler de concept-album tant les thèmes de la justice, des gouvernements et de la liberté sont récurrents. "...And Justice For All" critique le système judiciaire américain, "Eye Of The Beholder" dénonce la censure et la pensée unique (inspiré d'ailleurs du procès de Jello Biafra, chanteur des Dead Kennedys, instigué par le gouvernement américain à cause du contenu soi-disant obscène de l'album Frankenchrist de 1985), "The Shortest Straw" pointe du doigt les exclusions sociales pour opinion divergente (notamment la chasse aux sorcières dans les années 1950). Même la pochette fait référence à la justice bafouée. Pourtant le groupe refuse toujours le terme de "concept-album". Les paroles de "One", tout en adéquation avec la musique si triste parle d'un blessé de guerre qui n'a plus de jambes, plus de bras et qui ne peut ni voir, ni entendre, ni parler. On peut évidemment y voir une dénonciation de la guerre et de ses conséquences meurtrières. Les paroles sont inspirées de la nouvelle de Dalton Trumbo de 1939, "Johnny Got His Gun", et le clip est parsemé d'extraits du film basé sur cette même œuvre ("Johnny s'en va t'en guerre"), qui sortit en pleine guerre du Vietnam en 1971. Autres paroles fortes, celles de "Dyers Eve" qui apparaissent sous la forme d'une lettre de suicide qu'écrit un enfant à ses parents qui l'ont toujours caché du monde réel et empêché de vivre. C'est d'ailleurs la première fois que James se lance dans des paroles autobiographiques. Un grand succès tant celles-ci prennent aux tripes.

Malheureusement, même si "...And Justice For All" est un album génial, il n'atteint pas la grandeur de "Master Of Puppets". Et ce pour trois raisons. La première est la longueur des morceaux qui nuit parfois à leur efficacité. La chanson éponyme fait presque 10 minutes et devient du coup un peu barbante. Metallica a peut-être voulu en faire trop. La deuxième raison concerne la basse. Pour intégrer Jason à la musique de Metallica et tourner la page de Cliff, le groupe n'a rien trouvé de mieux que de ne pas faire apparaître les lignes de basse dans le mix final. Quel dommage, surtout après celles de "Master Of Puppets"...La dernière raison, et pas des moindres, est la production de l'album. C'est en effet le plus mal produit de la discographie des Four Horsemen (St. Anger est hors compétition!). Le son des grattes raisonne trop et un certain manque de puissance se fait sentir. Mais le pire reste la batterie: les toms sonnent comme des barils de lessive. Tout cela ne me gène pas vraiment pour apprécier la qualité de cet album mais il faut avouer que c'est un défaut non négligeable.

Très technique, très noir (la mort de Cliff n'y est sûrement pas étranger), "...And Justice For All" constitue le chapitre final de l'odyssée thrash du groupe, sa meilleure période. Malgré quelques défauts qui l'empêchent de se hisser au même niveau que "Master Of Puppets", beaucoup de groupes aimeraient avoir un tel album dans leur discographie. "One" et "To Live Is To Die" sont parmi les meilleurs morceaux des Mets et soli et riffs restent des références. Je ne me lasserais jamais de l'écouter, tout comme les trois précédents. Par la suite, Metallica va évoluer et prendre une direction plus grand-public, ce que beaucoup regretteront tant le groupe dominait sa catégorie. (Keyser).


TRACKLIST :

A1Blackened6:40
A2...And Justice For All9:44
B1Eye Of The Beholder6:25
B2One7:24
C1The Shortest Straw6:35
C2Harvester Of Sorrow5:42
C3The Frayed Ends Of Sanity7:40
D1To Live Is To Die9:48
D2Dyers Eve5:12






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