mercredi 6 décembre 2017

David Gilmour - Live At Pompeii



David Gilmour ‎– Live At Pompeii
Label: Columbia ‎– 88985464971 - 4 × Vinyl, LP, Album, 180 Gram
UK & Europe - 29 Sep 2017


1972, la télévision diffuse Live in Pompéi, réalisé par Adrien Mabern où Pink Floyd joue en direct de l’amphithéâtre de l’ancienne cité, exécute pendant une heure ses morceaux « Echoes », « Saucerful of Secrets ». Les images sont magnifiques, les musiciens, cheveux au vent, deviennent des gladiateurs du rock, et ce film incontestablement booste la carrière du groupe qui n’a pas encore sorti Dark Side of the Moon.
La suite de l’histoire est connue, succès planétaire, tensions, prise de pouvoir de Waters, démesure de The Wall, séparation, procès entre Waters et Gilmour, le premier souhaitant interdire au second le droit d’utiliser le nom du groupe. Waters perd, PINK FLOYD continue et offre encore de sacrés concerts.

Pour se produire, Gilmour recherche des lieux mythiques (Versailles, Venise…), ambition qu’il confirme quand il se produit, en solo, dans les chantiers navals de Gdansk en Pologne en 2006.

Avec la sortie de son album « Rattle That Lock », il joue de nouveau dans de beaux endroits, arènes d’Orange, de Nîmes, Château de Chantilly, La Saline à Besançon, Circo di Massimo de Rome et en apothéose, deux soirs à Pompéi.
Le choix de la ville de cendres n’est pas un hasard, mais un clin d’œil à 1972, à la différence qu’en 2016 le public est présent, alors qu’en 1972 le groupe est seul au milieu des ruines, ce qui ajoute à la magie.
Autre signe des temps qui ont changé, le concert est proposé en de nombreux formats, (collector, vinyle, blue-ray…) et il faut concevoir un show de Gilmour comme un concept global tant les lumières et les effets de scène complètent la musique ici.
Même si on peut préférer plus de sobriété, ainsi pour ma part, le concert du mars 2006 au Grand Rex à Paris avec juste la musique reste pour moi le plus merveilleux.

Dans la composition du groupe, on remarque que Phil Manzanera est remplacé par Chester Kamen et l’immense Chuck Leavell est aux claviers. D’autres pointures comme Guy Pratt et Greg Phillinganes accompagnent David.

La set-list est toujours très stable sur une tournée de Gilmour, elle mélange des titres de ses derniers albums avec des morceaux du FLOYD qui sont, bien entendu, les plus acclamés.
Et il convient de souligner encore, encore et encore une évidence, n’en déplaise au sieur Waters. Gilmour est le dépositaire du son du FLOYD, le son de sa guitare est identifiable à la première note. Ses chorus magnifiquement construits donnent toujours le grand frisson. Waters a bien essayé d’embaucher d’autres guitaristes et on parle ici de Jeff BECK ou d’Eric CLAPTON pas de clampins inconnus, mais sans convaincre.

Allez, on prend le train de Gilmour avec le jingle SNCF de « Rattle That Lock” dans une progression bien calculée qui amène « The Great Gig in the Sky » qui fait gronder de joie le public, avant cet instant où le temps suspend son vol, « Wish You Were Here » émouvant qui s’élève dans la nuit. Quelle merveilleuse chanson ! La fin du premier CD cartonne avec « Money » / « In Any Tongue » / » High Hopes” et “One of These Days”

Et la guitare cristalline, irréelle, de Gilmour s’envole sur « Shine On You Crazy Diamond » sa signature, son grand morceau, façonné, poli, sur les scènes du monde avec le FLOYD, enrichi par un chorus de saxophone de João Mello et toujours somptueux. Et on est reconnaissant au musicien d’avoir exhumé « Fat Old Sun », un morceau un peu oublié de la seconde face d’Atom Heart Mother, qui est mis en valeur en live avec cette superbe ouverture à la guitare acoustique.

Comme le premier CD, le second se termine en costaud avec « Sorrow »/ « Run Like Hell » / « Time » / « Breathe (In the Air) (Reprise) » et « Comfortably Numb » grand cocktail floydien période post et after Waters.

On peut regretter que Roger le mégalo ait bloqué par voie judiciaire l’utilisation de chansons du FLOYD qu’il a écrites, ce qui exclut quelques grands titres.

Pas de surprises dans ce concert, mais un plaisir toujours renouvelé à écouter un immense guitariste, issu d’un immense groupe qui a traversé l’espace et le temps.
(Bayou – FP).




TRACKLIST :

A1       5 A.M.
A2       Rattle That Lock     
A3       Faces Of Stone      
A4       What Do You Want From Me      

B1       The Blue      
B2       The Great Gig In The Sky
B3       A Boat Lies Waiting           

C1       Wish You Were Here        
C2       Money          
C3       In Any Tongue        

D1       High Hopes 
D2       One Of These Days           

E1       Shine On You Crazy Diamond (Parts 1-5)       
E2       Fat Old Sun 

F1       Coming Back To Life         
F2       On An Island
F3       Today

G1       Sorrow          
G2       Run Like Hell          

H1       Time / Breathe (In The Air) (Reprise) 
H2       Comfortably Numb






jeudi 8 juin 2017

Roger Waters ‎– Is This The Life We Really Want?



Roger Waters ‎– Is This The Life We Really Want?
Columbia ‎– 88985 43649 1- 2 × Vinyl, LP, Europe - 02 Juin 2017


Le retour de Roger Waters se fait par la grande porte. Charge politique et album concept rare, cet effort inattendu surprend. Écoute et critique.


Is This The Life We Really Want? L’heure est au questionnement, à la réflexion, à la prise de conscience de soi, des autres. Désirons-nous vraiment le monde dans lequel nous vivons? Avant même de démarrer l’écoute de ce nouvel effort, 25 ans après Amused to Death, Roger Waters nous accueille avec une réflexion profonde et explorée tout au long de l’heure d’écoute que propose ce nouvel album.

Vétéran de la guerre musicale, grand-père rockeur idéalisé, Roger Waters connaît ses gammes par cœur. Et nécessairement, Is This The Life We Really Want? contiendra son lot de ballades folk vues et revues, mais indéniablement élevées par la voix de son mythique interprète. The Most Beautiful Girl, Wait For Her; si ces morceaux ne marquent pas nécessairement après écoute, ils remplissent leur rôle à merveille et servent la structure d’un album qui a infiniment plus à proposer.

Car bien plus qu’un simple album folk-rock, Is This The Life We Really Want? se veut être une charge politique directe, un album ancré dans son temps et surtout faisant usage de toutes les technologies proposées par le temps en question. Comment, demanderez-vous? En mettant le meilleur producteur actuel en tête du projet; ici, Nigel Godrich, incontournable et essentiel collaborateur de Radiohead. De là, l’album propose de s’élever en proposant une œuvre, riche, cohérente avec d’époustouflantes idées de production.

Ce ton est donné dès l’ouverture: l’ultra-expérimental When We Were Young débouche sur un Déjà Vu superbe, frappant par les cris du cœur de son interprète et ces sections violons que personne n’aurait pu deviner. Le tout évidemment remarquablement produit, laissant la voix intacte de Waters naviguer au milieu d’une piste musicale parfaitement équilibrée. Et quand l’album se fait plus calme, c’est pour mieux délivrer des refrains saisissants de beauté; à ce titre, Broken Bones risque de vous marquer pour longtemps.

Si la forme paraît victorieuse, bien que voulant parfois faire trop étalage de sa maîtrise (le longuet Picture That), le fond fonctionne également parfaitement. Véritables récits se répondant et se suivant dans une remarquable continuité, la charge politique est la plus forte au cœur de l’œuvre: le titre éponyme, situé en plein milieu de la galette, fait feu de tous bois, évoquant tant les évènements de Tian’anmen que l’élection de Donald Trump. Et par un merveilleux retournement de situation et un évident génie de production, la ballade folk-rock engagée devient un rythme électronique imprévisible ouvrant l’expérimental Bird In A Gale.


Malgré tout, Roger Waters n’a pas oublié l’influence de Pink Floyd. Vers la fin de l’aventure, le bassiste décoche un Smell the Roses rappelant la culte formation et les plus beaux instants de The Dark Side of the Moon. Efficace titre aux résonances blues-rock, le titre vient finalement apporter un peu plus de nuances à un album qui se conclura dans une superbe mélancolie.

Finalement plutôt classique comparée au reste de l’album, la conclusion voit s’enchaîner sans interruption Wait For Her/Oceans Apart/Part Of Me Died. Guitare acoustique délicate, piano, voix toute en retenue: Is This The Life We Really Want? se conclut à l’opposé de son ouverture. Comme un miroir se refermant, l’album se clôt en silence, s’évade dans un soupçon, un murmure. En toute humilité.


Si quelques redondances peuvent pointer le bout de leur nez au fil des écoutes, force est de constater que ce nouvel effort solo de Roger Waters est d’une consistance rare, et surtout d’une importance capitale. Œuvre riche et cohérente, nous ne pouvions demander mieux de cette légende du rock, qui, plutôt que de verser dans le too-much et la redite facile, met en avant propos engagés, mélodies expérimentales et songwriting impeccable. Que peut-on demander de plus?







TRACKLIST:

A1       When We Were Young    
A2       Déjà Vu
A3       The Last Refugee

B1       Picture That
B2       Broken Bones

C1       Is This The Life We Really Want?
C2       Bird In A Gale
C2       The Most Beautiful Girl

D1       Smell The Roses
D2       Wait For Her
D3       Oceans Apart
D4       A Part Of Me Died





mardi 23 mai 2017

Sting - The Soul Cages



STING - The Soul Cages (1991)


Quatre ans après "Nothing Like The Sun", alors qu’il a perdu son père, Sting enfante dans la douleur, un 3° album solo emprunt de mélancolie.

Soul Cages s’ouvre sur « Island of Souls » qui nous plonge d’une certaine manière dans les souvenirs de Gordon Mattew Summer, fils d’ouvrier né à Newcastle et nous ramène à nos propres blessures, car cette mélancolie est communicative. Personnellement, ma gorge se noue quand j’entends ce morceau ; l’introduction ainsi que les couplets sont lancinants, presque poignants, chantés de façon mécanique. Seul le refrain a le goût de l’espoir, le rythme en est plus lié. Cela ressemble à un voyage initiatique, ou un travail de deuil. Le personnage, Billy, dans lequel se projette Sting, rêve qu’un des bateaux que construisait son père, les emmènerait vers l’île des âmes. Le final comme l’intro est joué à la cornemuse et donne une couleur celtique au morceau.

"All this time" est plus sautillant, les « réjouissances » d’après funérailles, mais reste très critique vis-à-vis de la religion, et la position éphémère de l’Homme dans le temps.

"Mad about You" est une chanson sublime, intro mandoline, on revient à la poèsie que Sting nous avait servi dans le précédent opus, la touche jazzy déboule sur la pointe des pied avec un superbe solo de saxophone de Brandford Marsalis, pour débarquer en force dans le morceau suivant. "Jeremiah blues" est en effet le morceau le plus jazzy de l’album, une ligne de basse dynamique, quelques notes au piano lancées un peu dans toutes les directions, du saxophone et pour finir un très beau solo de guitare électrique par Dominic Miller.

On retombe ensuite dans la mélancolie avec "Why should I cry for you ?" Une jolie balade très triste comme autant de prières probablement dirigées vers son père. Et après un court instrumental à la guitare sèche, le voyage inititiatique se poursuit. "The Wild Wild Sea", dont l’intro évoque les vagues qui s’écrasent sur la grève, est un morceau sans rythme au début, ambiance aquatique, mélodies ciselées comme seul Sting sait les écrire. L’ambiance de la chanson monte ensuite très lentement en puissance, comme grossit la tempête en mer.

Et enfin, alors qu’il recherchait « The island of souls », le voilà dans « The soul Cages », les mots sont scandés, l’instrumentation est plus dure avec beaucoup de guitares, l’harmonie revient à la fin, et l’on retrouve même le dernier couplet de « Island of Soul » comme en écho de la première chanson.

Le dernier morceau est cosmique, on croit voler sur la Voie Lactée. « When the Angels fall » est le but du voyage, peut-être le retour à la paix de l’esprit. Une première partie paisible, une fin plus énergique rythmée par la guitare sèche.

La pochette est étrange, l’auteur en est Steven Campbell, un peintre écossais. Peut-être est-ce sa représentation physique d’une âme en cage ? Le livret est parsemé d'illustrations de son cru.

Nous avons là un album cohérent en forme de deuil, le questionnement d’un fils qui ne pensait peut-être pas que la perte de son père le marquerait tant. Mais pas entièrement noir pour autant, très abouti. Ce que l’on pouvait reprocher à Nothing like the sun , à savoir, les finals des morceaux interminables, ne se retrouve pas ici, et c’est tant mieux, car le tout fait de cet album une pièce de choix. (Sophie – Forces Parallèles).











Tracklist

A1       Island Of Souls       
A2       All This Time           
A3       Mad About You      
A4       Jeremiah Blues (Part 1)    
A5       Why Should I Cry For You

B1       Saint Agnes And The Burning Train     
B2       The Wild Wild Sea
B3       The Soul Cages
B4       When The Angels Fall




lundi 15 mai 2017

The CULT - Love



The CULT - Love (1985)


Le groupe a le vent en poupe, Billy et Ian se sentent pousser des ailes et sortent en Mai 1985 le hit "She sells sanctuary", soit l'une des chansons préférées de votre serviteur. Il y en a des choses à évoquer quand on parle de cette chanson magique. Tout y est proche de la perfection : la petite intro cristalline, puis ce rythme qui emprunte tour à tour à de nombreux genres musicaux, de la new wave au métal en passant par le psyché et le punk, voila un des plus beaux exemples de riff existants dans la musique populaire. La fusion ainsi dégagée n'est rien moins que fabuleuse. une composition aérienne, légère et pourtant dégageant une force terrible, écoutez donc la rythmique de guitare folk par dessus le riff, c'est légendaire ! Ian s'époumone comme à son habitude, mais ici le résultat dépasse toutes les attentes. Un chef d'œuvre !

Drôle d'intro pour un deuxième album qui connaîtra bien des turpitudes, le batteur Nigel Preston ne parvenant pas à se débarrasser de ses démons, il est viré manu militari - périra d'overdose en 92... - et remplacé au pied levé pour l'album par Marc Brezincki de BIG COUNTRY... Le CULT sera à jamais un groupe sans batteur...

Attention virage serré : "Phoenix" la bien nommée débute par un riff saturé de wahwah qui penche beaucoup plus du coté de LED ZEPPELIN que des DAMNED.. Un premier pas vers la carrière florissante qui les attend ? En tout cas, on a rarement vu un gratteux punk/new wave tant à la fête, et ceci ne passe pas inaperçu au sen de la communauté des metalleux qui regarde avec curiosité ce gratteux punk qui manie son instrument ainsi que le font les guitar heroes du métal, c'est définitif sur ce titre qu'il emporte bien loin dans les cieux ! Quelle débauche de solos ! Magnifique !

Sur le second single "Rain" , nous avons droit à un son plus New wave tout en restant bien raw, avec un refrain assez polissé. "Hollow man" est bâti sur la même base, la recette fonctionne. L'éponyme "Love" bien que plus lente bénéficie toujours de cette dynamique. "Brother wolf sister moon" nous replonge a la fois dans la passion des amérindiens de Ian et dans une ambiance plus gothique. On en finît avec la superbe "Nirvana" qui ouvre l'album, un petit condensé de ce que la new wave nous aura donné de mieux, refrain adictif et petite mélodie "cultesque" classique.

On reste un peu abasourdi devant une telle avalanche d’énergie. Certes le Punk est énergique mais ici la sophistication l'emporte sur la violence. L’ensemble reste donc de facture New Wave, mais nanti d'une puissance toute particulière. La suite ne saurait déroger à l'évolution ici constatée. Les influences digérées, les égos calmés par les ventes colossales du disque - 2,5 millions -, Ian et Billy peuvent se pencher avec délicatesse sur un futur qui s'annonce drôlement dégagé !

Un album classique, à conserver toujours à portée de votre platine, il n'y en a pas deux comme celui ci ! (ERWIN – Forces Parallèles).







TRACKLIST :


A1       Nirvana        
A2       The Big Neon Glitter          
A3       Love  
A4       Brother Wolf, Sister Moon
A5       Rain

B1       The Phoenix
B2       The Hollow Man
B3       Revolution
B4       She Sells Sanctuary
B5       Black Angel




OMD - English Electric



OMD - English Electric (2013)


Remontons le temps jusqu'en 1983. Cette année-là (dehors Cloclo !), le groupe de new-wave Orchestral Manoeuvres in the Dark sort Dazzle Ships, un album mêlant la new-wave caractéristique de l'époque et de la musique expérimentale. Le résultat était fort probant, mais le public n'avait que peu accroché, forçant OMD à dériver vers une pop électronique plus convenue et surtout moins enthousiasmante. Trente ans plus tard, soit six ans après sa reformation (le groupe n'ayant en effet plus existé entre 1996 et 2007), OMD récidive avec son nouvel album, English Electric. Avec l'évolution de la musique, il devrait avoir une meilleure réception de la part du public. En tout cas, c'est surtout un album des plus géniaux, il n'y a pas à tergiverser.

Contrairement à Dazzle Ships, English Electric accorde plus de place aux morceaux à structure standard – c'est-à-dire des chansons. Toutefois, à l'inverse de History of Modern, qui présentait une new-wave old school, elles détonnent par leur apparente originalité stylistique. OMD n'invente rien ici, mais ose le peu commun par rapport à la scène actuelle. Certes, il ne faut pas voir du côté de "Metroland" ou bien "Stay with Me" pour le voir clairement. Le premier, envoyé en single éclaireur, présente bien l'influence de Kraftwerk ainsi que le talent du groupe à créer une synthpop des plus efficaces. Le second, chanté par Paul Humphreys (youpi !), est une jolie ballade électronique dégoulinant certes de mièvrerie, mais suffisamment efficace et bien exécutée pour ne pas être zappée.

Le meilleur se trouve cependant (et bien évidemment) sur les autres morceaux. De temps à autre, une simplicité pop s'installe ("Night Café", "Dresden"), mais elle est finement utilisée, de manière à attirer sans racoler. Certaines chansons se font plus remarquer que d'autres rien que par leur titre, comme c'est le cas pour "Helen of Troy". L'écho à "Joan of Arc" sur Architecture and Morality devrait briller comme un néon dans la tête. En tout cas, voilà encore une démonstration de la puissance de la new-wave. Avec "Our System", OMD va encore plus loin et se pose clairement comme l'une des pléthoriques influences de DEPECHE MODE (paix à son âme, surtout en 2013), avec cependant un McCluskey plus charismatique au niveau du chant.
Comme dit plus haut, English Electric est une version moderne de Dazzle Ships, d'où la présence d'interludes se détachant de la new-wave/synthpop. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est réussi. Sur un fond assez inquiétant, une litanie joyeusement neutre vante l'idéal socio-économique des années 50 sur "Atomic Ranch". "The Future Will be Silent" impressionne par l'opposition entre des synthés assez joyeux et un texte récité de manière bien froide un sombre propos, un véritable grand moment de musique contemporaine. Enfin, l'accumulation de voix sur "Decimal" se pose en tour de force rondement bien mené. Lui aussi renvoie directement à Dazzle Ships, et pour être plus précis à "Time Zones". Cette tendance à renvoyer à cet album est si bien faite qu'on ne pourra accuser OMD de passéisme ou d'auto-plagiat.

Peut-on vraiment trouver des points faibles à English Electric ? Quelques points de désaccord tout au plus. Par exemple, "Kissing the Machine" n'est pas objectivement sensationnelle, mais elle n'est pas désagréable pour autant et peut plaire à qui aime la synthpop quelque peu paresseuse.
Mais sinon, il n'y a pas de réel point faible ni de raison d'être mécontent. Non content d'avoir réussi leur come-back studio avec History of Modern, les membres d'OMD signent avec English Electric une oeuvre forte, dont certains seraient bien tentés de s'inspirer. Et si un autre album doit lui succéder, peu importe le temps que cela prend, du moment qu'il est tout aussi bon. (Waltersmoke – Forces Parallèles).






TRACKLIST :

A1       Please Remain Seated
A2       Metroland
A3       Night Café
A4       The Future Will Be Silent 
A5       Helen Of Troy
A6       Our System

B1       Kissing The Machine
B2       Decimal        
B3       Stay With Me
B4       Dresden
B5       Atomic Ranch
B6       Final Song



dimanche 14 mai 2017

Suede - Coming Up



SUEDE - Coming Up (1996)


Séparé de leur brillant guitariste, SUEDE ne capitule pas malgré une côte de popularité descendante. Tous les pronostics prédisent pourtant qu’ils seront la prochaine formation prometteuse à devenir « has been ». Dans une période où la presse découvre le plus grand groupe de rock du monde toutes les semaines, cet événement n’est en vérité que le revers de la médaille. L’OASISmania bat son plein et c’est entre leur apogée et leur déclin que SUEDE saura se (re)faire une place au soleil.

Mais pour le moment, le groupe a surtout besoin d’un pro de la guitare et ils auront la bonne idée d’utiliser la revue qui les a fait connaitre à ses débuts pour le trouver : le NME. Faire une petite annonce anonyme semble être si simple et qu’avaient-ils à perdre de toute façon ? L’annonce se résumera en 3 lignes : « groupe cherche guitariste, influences : SUEDE, BEATLES, COCTEAU TWINS ». C’est ainsi que le remplaçant de Bernard Butler se retrouvera sur leur route. Ce jeunot de Richard Oakes ne se doutait pas que derrière cette annonce se cachait un de ses groupes favoris. Un rêve de gosse qui se réalise et qui ne peut que renforcer la mythologie du rock and roll.

Car Oakes est l’ingrédient principal du retour en force de SUEDE. Son jeu est beaucoup plus direct et incisif que celui de Butler, car ce qu’il n’a pas en complexité, Oakes le compense avec un son plus agressif. Le groupe tout entier va donc s’appliquer à moduler son jeu mais surtout l’écriture de ses chansons pour être en phase avec lui. Désormais plus simple et directe, leur musique va gagner en séduction immédiate et sans que cela lui fasse perdre de la profondeur.

Toujours inspiré, le songwriting de Brett Anderson dévoile encore des trésors d’inventivité mélodique. « Beautiful Ones » et « Trash » sont les exemples de chansons pop à la fois irrésistibles et profondes, puisque résistantes aux écoutes répétées et au temps qui passe. La science des arrangements étant encore au top également (Les déluges de cordes sur « She » et ce dialogue entre guitare et violons sur « The Chemistry Between Us »), mais la production de Coming Up est aussi un modèle du genre, alors qu’elle rassemble beaucoup de détails qui alourdirait le son de n’importe quel autre groupe. Ce son spatial et, osons le dire, FM a dû beaucoup jouer dans le succès de ce disque. Mais aucun sentiment désagréable de superficialité n’apparait tant ces chansons sont si finement composées et imparables.

L’autre détail enfonçant le clou est la voix de Brett Anderson. Soumise elle aussi à cette surproduction, elle est désormais trafiquée et possède de doux airs à la Billy Corgan. Quelques-uns seront horrifiés, les autres baisseront les défenses face à cette prouesse. Car Coming Up est un des rares albums de rock où une voix modifiée et peu naturelle se transforme en atout.

Si les deux premiers albums de SUEDE peuvent être qualifiés de revival glam rock, Coming Up est ce qu’on appelle du néo glam. Moderne, rutilant, mélancolique et parfois orgueilleux, un réservoir à tubes à faire passer Thriller de Michael JACKSON pour un album d’ambient.

Peu de formations ont réussi à devenir aussi outrageusement mainstream sans perdre leur âme, ce 3ème album de SUEDE fait partie de cette espèce rare.

(SEIJITSU – Forces Parallèles).







TRACKLIST:

A1       Trash 
A2       Filmstar        
A3       Lazy
A4       By The Sea
A5       She

B1       Beautiful Ones
B2       Starcrazy
B3       Picnic By The Motorway   
B4       The Chemistry Between Us
B5       Saturday Night




Suede - Beautifull ones from Friedrich Mary on Vimeo.

jeudi 11 mai 2017

Genesis - Wind And Wuthering



GENESIS - Wind And Wuthering (1976)

Avec l'album A Trick of the Tail et la tournée qui s'ensuivit, GENESIS prouva au public, passionné ou novice, qu'il pouvait largement exister sans Peter Gabriel. Alors, le groupe anglais enfila des bottes de sept lieues et nous donna rendez-vous fin décembre 1976, moins d'un an après son coup d'éclat. Il battit le fer encore chaud, il procéda par sessions avec une certaine limite de temps, et il vit que cela était bon, comme pour chaque nouvelle création. Mais l'hiver vint, le froid goba le chaud, suspendit le cours du temps et, défiant les lois astronomiques, une supernova devint constellation dans l'immensité d'un univers qui n'est autre que celui de la musique.

Le 27 décembre 1976, GENESIS publie son plus bel album, et le meilleur disque de tous les temps (vous avez le droit de ne pas être d'accord, allez en paix). Le décor tient une place importante dans sa conception, d'abord par la retraite du groupe dans le Nord-Brabant, aux studios Relight d'Hilvarenbeek, Pays-Bas (taxes trop importantes en Angleterre), et de manière plus fictive, par l'évocation d'un manoir perdu dans les landes du Nord de l'Angleterre, le Yorkshire si bien illustré à travers le chef-d'oeuvre d'Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights). Pour écouter cet album hommage nommé Vent et Hurlevent, ne perdez pas le nord ; les Antilles, la Méditerranée, l'Océanie, tout cela est un peu hors-sujet, vous l'aurez compris.

C'est ici le théâtre d'une lutte d'influence entre deux personnages. Sur quatre, les deux autres se distinguent « par discrétion » naturelle ou contrainte, entre Phil Collins qui se préoccupe de sauver son mariage et qui logiquement, participe peu à l'écriture, et Mike Rutherford, au contraire heureux, qui glisse une ballade romantique (« Your Own Special Way », second tube historique de GENESIS) tout en jouant le rôle de pilier dans la durée de sessions mouvementées. Leur apport rythmique n'en reste pas moins solide, Collins s'inspirant de ses débuts avec le groupe de jazz-rock Brand X (« Wot Gorilla? », « In That Quiet Earth ») comme il l'avait fait sur A Trick of the Tail.

Le conflit du chapitre oppose Sir Anthony de Vil-Banks (Tony Banks), le claviériste dont la confiance en soi est désormais bien établie, et Lord Stephen Hackett (Steve Hackett), le guitariste, fort de sa première expérience en solo, qui tente de prouver la même chose, mais dont l'arrivée tardive dans l'histoire et la réserve affichée au sein du groupe imposent une distance et une source de continuelle frustration. D'ailleurs, il n'y a pas que les compositions : Hackett dira bien plus tard, non sans regret, que les albums de GENESIS n'étaient jamais aussi travaillés qu'ils auraient pu l'être, enregistrés entre deux tournées et sans développement réel du travail de production, toujours recentrés sur le seul effectif du groupe et sans apport extérieur...

L'argument positif, c'est que la patte créative du noble guitariste taciturne est mieux présente ici qu'auparavant, et malgré tout, Wind & Wuthering reste l'une de ses expériences favorites. Son apport aux arrangements est plus remarquable que jamais, avec des choses parfois très simples comme son utilisation de la kalimba (piano à pouce africain) sur la partie calme de « Eleventh Earl of Mar » qu'il a écrit lui-même, ainsi que les arpèges cristallins d'autoharpe sur le deuxième couplet de « Your Own Special Way ». Les guitares héroïques décuplent la puissance de nombre de morceaux, « In That Quiet Earth », « Eleventh Earl of Mar » et le final lyrique de « All in a Mouse's Night ». Depuis 1973, son niveau de guitare classique a sérieusement progressé, on peut l'entendre sur l'introduction délicate de « Blood on the Rooftops », moins scolaire qu'un « Horizons » avec le recul, et qui marque le début d'un gros travail développé en solo par la suite.

« Blood on the Rooftops », dont le texte plus terre-à-terre est de Phil Collins (pas d'aventuriers solitaires ni de farfadets ici, il s'agit de la connexion internationale par la télévision), reste l'un des rares morceaux de l'album auquel Tony Banks ne participe pas. Autrement, il est partout, vient rajouter une splendide partie contemplative de piano Fender Rhodes au milieu de « Your Own Special Way », et introduit l'album de façon magistrale avec le thème légèrement dissonant et enchanteur d'« Eleventh Earl of Mar », plongée irrémédiable dans une Angleterre "classique" et une tempête de mauvaise saison...

Il y a cet apport aux claviers toujours unique, ces nappes de Mellotron et cette utilisation de l'ARP Pro-Soloist à la manière d'un hautbois sur « Blood on the Rooftops », ces solos farfelus et mélodiques comme sur la jam « In That Quiet Earth ». De l'orfèvre. Sans oublier les trois chansons qu'il écrit seul (près de la moitié de l'album !), le très dynamique et cartoonesque « All in a Mouse's Night », le pavé épique « One for the Vine », et la ballade « Afterglow » au goût d'éternité, héritière des « Christmas carols », chants de Noël qui rappellent que la musique religieuse reste à la base des influences musicales de GENESIS. Ces deux titres demeurent emblématiques de l'empreinte du groupe par le seul talent de son claviériste : « Afterglow » sera jouée pendant de nombreuses années en concert, et « One for the Vine », malgré son unité d'ensemble, provoque avec son pont central inattendu un de ces chocs musicaux qui marque pour toute la vie.

On écoute Wind & Wuthering comme on lit une oeuvre de littérature anglaise romantique (celle de Brontë ou une autre), les sens éveillés par la rudesse autant que la poésie. Les éléments s'opposent, la tourmente qui se lève sur « Unquiet Slumber for the Sleepers » et va crescendo pour éclater ensuite, la brise caressante de « Your Own Special Way ». Chaque partie trouve son éclat, dans l'énergie comme la finesse, les mélodies sont riches, transcendées par le chant de Collins. Prenez encore le cas d'un morceau comme « Eleventh Earl of Mar » : les riffs ravageurs de Rutherford, les breaks de batterie en tous sens, l'accalmie onirique, la mélodie de synthétiseur plaintive sur piano déroulé en ternaire par dessus une rythmique binaire... Qui fait encore de la musique comme ça aujourd'hui, et aussi bien ? Une œuvre complexe, mais unique. Le plus bel album et la plus belle pochette. What else ?

 (Marco Stivell - Forces parallèles).







TRACKLIST:
A1       Eleventh Earl Of Mar         
A2       One For The Vine  
A3       Your Own Special Way    
A4       Wot Gorilla? 

B1       All In A Mouse's Night      
B2       Blood On The Rooftops    
B3       'Unquiet Slumbers For The Sleepers... 
B4       ...In That Quiet Earth' 
B5       Afterglow




Genesis - Your Own Special Way from Friedrich Mary on Vimeo.

mercredi 26 avril 2017

Bruce Springsteen


BRUCE SPRINGSTEEN - THE RIVER
CBS ‎- CBS 88510 - 2 × LP - Europe Pressing - 1980


En raison de problèmes contractuels, l'accouchement de "Darkness On The Edge Of The Town" (1978) fût une épreuve douloureuse pour Bruce Springsteen. Certes, les séances d'écriture ont permis la création d'environ 70 titres et l'album a bénéficié d'une bonne réception, que cela soit au niveau des critiques ou des ventes, mais l'ambiance générale de l'opus s'en est ressentie. Animé de sentiments plus optimistes, le Boss s'apprête à sortir son nouveau disque qui doit s'intituler "The Ties That Bind" et se veut d'une humeur générale plus enjouée. Pourtant, l'artiste ne peut s'empêcher de replonger dans les titres écrits pour le précédent album et il décide finalement que certains doivent absolument paraître. Cette décision est également le fruit d'une prise de conscience quant au fait que la vie est une aventure composée de moments plus ou moins positifs et qu'il faut apprendre à vivre avec les bons comme avec les plus tristes. C'est donc sous le format d'un double album que parait finalement "The River", nouvel opus de l'homme du New Jersey.

S'appuyant sur une formation toujours aussi stable, au sein de laquelle Steve Van Zandt a désormais pris toute sa place, Bruce Springsteen va s'atteler à alterner les titres enjoués, voire festifs, et d'autres compositions plus intimistes et/ou mélancoliques. Avec son refrain obsédant et sa batterie pataude, 'The Ties That Bind' lance le premier disque dans une ambiance folk et enjouée. Il sera accompagné dans ce style par des titres tels que 'Sherry Darling' et son saxophone en fusion, l'énergique 'Out In The Street' sur lequel les harmonies vocales de Steve Van Zandt imposent leur marque de fabrique, ou un 'Crush On You' simple et accrocheur. Difficile également de ne pas citer le cinglant 'Jackson Cage' traduisant la marque irréversible que la société peut nous apposer selon nos actes passés. De son côté, 'Hungry Heart' se fait plus léger et sera le premier single à succès de Bruce Springsteen. Il est amusant de constater que ce titre était originellement destiné aux Ramones, et que c'est Jon Landau qui a eu la bonne idée de convaincre le Boss de le conserver.

Au milieu de titres majoritairement dynamiques, viennent se glisser quelques pièces plus délicates traitant de tranches de vie ('Independence Day' sur le départ d'un fils du domicile parental) ou de sujets de société plus profonds (le titre éponyme inspiré par le couple de la sœur de l'artiste frappé par la crise et devant faire face au chômage).

Comme une forme de contrepoids, le second disque donne plus de place à des titres mélancoliques. Quelques moments plus enjoués réussissent cependant à apporter un peu de fraîcheur tels l'imparable et obsédant 'Cadillac Ranch', ou les entraînants 'I'm A Rocker' et 'Ramrod' avec leurs claviers aux sonorités amusantes. Peu habitué à traiter de ce sujet, le Boss s'étend régulièrement sur les amours blessées. Les mid-tempi 'Point Blank' et 'Fade Away' regrettent des histoires terminées pour le premier ou luttent désespérément pour empêcher leur fin pour le second. Plus épuré, 'Stolen Car' constate l'échec d'un mariage, alors que 'Drive All Night' s'entend sur un amour perdu mais vivace durant plus de 8 minutes. Plus classiques dans les sujets abordés, 'The Price You Pay' et 'Wreck On The Highway' maintiennent cependant le niveau d'émotion à son point le plus élevé.

Au bout du compte, malgré le côté imposant de son format, "The River" se révèle captivant de bout en bout. L'alternance des thèmes abordés, des tempi utilisés et des ambiances maintient l'attention en éveil sans temps mort. L'apport d'un peu de légèreté est un plus, d'autant qu'elle ne fait pas preuve de mauvais goût, alors que les titres plus mélancoliques sont de nouvelles preuves du talent de conteur de Bruce Springsteen. Que le sujet traite de sentiments amoureux ou de thèmes sociaux, le chanteur est à chaque fois capable de toucher l'auditeur au plus profond de ses sentiments. 





TRACKLIST

A1       The Ties That Bind
A2       Sherry Darling
A3       Jackson Cage
A4       Two Hearts
A5       Independence Day

B1       Hungry Heart
B2       Out In The Street
B3       Crush On You
B4       You Can Look (But You Better Not Touch)
B5       I Wanna Marry You
B6       The River

C1       Point Blank
C2       Cadillac Ranch
C3       I'm A Rocker
C4       Fade Away
C5       Stolen Car

D1       Ramrod
D2       The Price You Pay
D3       Drive All Night
D4       Wreck On The Highway