jeudi 5 avril 2018

The Cranberries - No Need To Argue




The Cranberries ‎– No Need To Argue
Plain Recordings ‎– plain202 – Reissue, 180 Gram, Gatefold – Edition U.S.A.


The Cranberries est certainement un des groupes qui ont le plus marqué la pop et le rock du début des années 90. Leur premier opus, Everybody Else Is Doing It, So Why Can’t We ? les a propulsés au sommet des charts en Europe et aux Etats-Unis en l’espace de quelques mois seulement. Tout cela grâce à MTV l’omniprésente chaîne musicale, si influente sur les tendances à l’époque. Alors quand vient l’heure de rempiler pour un deuxième album, on peut douter de la capacité d’un si jeune groupe à transformer l’essai, surtout à un an d’intervalle. No Need To Argue est pourtant un album différent mais réussi, plus intimiste mais aussi plus professionnel, avec une véritable mise en avant de Dolores O’Riordan, la chanteuse du groupe.

Le groupe table ici sur l’efficacité des mélodies et sur la sobriété de l’instrumentation. La guitare de Noel Hogan est omniprésente tandis que la batterie de Feargal Lawler et la basse de Mike Hogan se font plus discrètes. L’album débute en toute logique par une rafale de tubes qui n’ont cependant rien de dansant. En effet, le maître mot de No Need To Argue est la mélancolie, véritable fil directeur des treize titres du disque. Ainsi, à l’écoute de Ode To My Family, on comprend que l’heure n’est pas aux réjouissances : la chanteuse joue volontiers avec nos émotions pour mieux nous faire pénétrer dans l’univers à la fois triste et nostalgique des Cranberries. I Can’t Be With You et Twenty One sont autant de singles imparables, mais ce n’est rien comparé à Zombie, LE hit en puissance. Comme Sunday Bloody Sunday de U2 (vous n’échapperez pas à cette comparaison mille fois établie), Zombie décrit le conflit en Irlande du Nord, dont l’absurdité et la violence n’auront pas manqué de vous frapper si vous êtes un peu au courant des choses du monde. Le chant, mais aussi la basse grondante et la batterie tout à coup réveillée ne rendent ce titre que plus poignant.

Hélas, alors que je pensais attribuer la note maximale au nom du « super émotionnel waouh », le ventre mou de l’album vint me frapper de plein fouet. Eveything I Say, The Icicle Melts, Disappointment et Dreaming My Dreams sont les quatre cavaliers de l’Apocalypse, venus de l’au-delà pour me ravir mon enthousiasme. Sans être complètement mauvais, nos quatre poids morts ont le malheur de dévoiler les ficelles du groupe avec une triste évidence : quelques chœurs bien larmoyants, une mélodie tristounette et le chaland s’y laissera prendre. Les Cranberries n’échappent donc pas au piège périlleux que recèle tout album de pop-rock : la redite. Empty et Ridiculous Thoughts surnagent un peu par rapport aux titres précités mais paradoxalement, ils dévoilent encore plus les limites de No Need To Argue : les violons et le piano du premier franchissent la ligne rouge du lacrymal, tandis que Dolores O’Riordan en fait vraiment trop sur le second, qui avait pourtant bien commencé sur un petit rythme entraînant.

Heureusement, l’album se sort vite de ce mauvais pas et retrouve tout son lustre. Sur Yeat’s Grave d’abord, toujours placé sous le signe de la mélancolie, mais avec une intervention bienvenue de la guitare électrique. Daffodil Lament introduit quant à lui un thème plus celtique et brise un peu la structure couplet/refrain pour mon plus grand bonheur, avec un chouya de distorsion pour les gourmands. Le titre éponyme conclut habilement cet album avec un unique accompagnement au synthé, comme pour achever la mise en avant des performances vocales de la chanteuse. (SASKATCHEWAN – FP).







TRACKLIST :


A1. Ode To My Family
A2. I Can't Be With You
A3. Twenty One
A4. Zombie
A5. Empty
A6. Everything I Said
A7. The Icicle Melts

B1. Disappointment
B2. Ridiculous Thoughts
B3. Dreaming My Dreams
B4. Yeat's Grave
B5. Daffodil Lament
B6. No Need To Argue

The Cranberries - Everybody Else Is Doing It, So Why Can't We ?




The Cranberries ‎– Everybody Else Is Doing It, So Why Can't We?
Analog Spark ‎– AS00033 - Reissue, Remastered, Gatefold, 180 Gram – Edition U.S.A.



Non mais quel casse-tête ! Everybody Else Is Doing It, So Why Can’t We : qu’est-ce que c’est que ce titre d’album ? Ça grignote les marges, ça ponctue là où ça ne devrait pas et je ne vous parle même pas la tronche de l’abréviation. Si la France a son hexagone, si le galion se cache derrière sa voile, alors Everybody Else Is Doing It Everybody Else Is Doing It, So Why Can’t We (c’est la dernière fois, promis) sera « premier album », « gallon d’essai », « début prometteur », « la genèse » et que sais-je encore !

Rembobinons : The CRANBERRIES est un groupe Irlandais venu de Limerick*¹, formé en 1989 par les frères HOGAN (Noel et Mike), respectivement guitariste et bassiste du quatuor. Le reste de notre fine équipe est constitué de Dolores O’RIORDAN au chant et de Feargal LAWLER à la batterie. Dès le début, l’activité du groupe se cristallise autour de la chanteuse et du guitariste, compositeurs et paroliers de la grande majorité des morceaux des CRANBERRIES. La grande entreprise de diffusion de l’art et des idées peut alors commencer : une cassette sort, fait un flop, une autre cassette sort, fait un autre flop, mais un titre retient l’attention : « Linger », se propage, déclenche la valse des contrats et des signatures. Pourtant, il faut encore attendre 1993 pour que le premier album des CRANBERRIES voie le jour, avec toujours « Linger » en tête de gondole.

Comme son brillant successeur No Need To Argue, ce premier opus se pare d’une ambiance assez mélancolique en contradiction avec l’époque. Les arrangements sont sobres au possible : peu de claviers, batterie et basse en retrait, guitare à peine distordue, le tout saupoudré de quelques violons. Le chant de Dolorers O’RIORDAN est encore teinté de jeunesse : le timbre est clair, peut-être moins atypique que sur No Need To Argue. Les effets vocaux sont réduits au strict minimum, à l’opposé du style de chant adopté sur les albums suivants : plus libre, plus démonstratif aussi.

Bien sûr, comme beaucoup de groupes pop modernes, les CRANBERRIES cherchent la ritournelle immédiatement mémorisable : on peut citer « Linger », « I Still Do », « Not Sorry » et surtout « Dreams ». A vrai dire, le premier essai des quatre Irlandais propose douze titres du même calibre, pop avant tout, à l’exception de « How » qui développe un aspect plus rock. Il manque ici un ou deux titres qui sortiraient de la routine couplet/refrain, à l’image de « Daffodil Lament » sur No Need To Argue.

Everybody Else Is Doing It […] est un album simple, rafraîchissant quoiqu’un peu lassant sur la durée. Les CRANBERRIES y jettent les bases de leur musique : une pop mélancolique bien ficelée, efficace et accessible. Reste que sur leur second album, No Need To Argue, le groupe développera une plus grande variété d’émotions, avec à la clef un disque bien plus marquant. (SASKATCHEWAN – FP).







TRACKLIST :

A1. I Still Do
A2. Dreams
A3. Sunday
A4. Pretty
A5. Waltzing Back
A6. Not Sorry

B1. Linger
B2. Wanted
B3. Still Can't ...
B4. I Will Always
B5. How
B6. Put Me Down




lundi 2 avril 2018

Tangerine Dream - Stratosfear





Tangerine Dream ‎– Stratosfear
Polydor ‎– 2473 721 ‎– Edition France ‎– 1976



Plantons immédiatement le décor. Stratosfear est un album saisissant, au vrai sens du terme : il porte en lui, c'est-à-dire dans ses sonorités, une époque particulièrement riche - les années 70 - et un caractère qui en est inhérent - l'expérimentation. Par cet état de fait, l'opus, sorti en 1976, pourrait être devenu caduque compte tenu de son âge. Je vous rassure tout de suite, il n'en est rien. Oui, l'album "sent" à plein nez cette époque où naissent véritablement les synthétiseurs et où le psychédélisme, avec son cortège de drogues et d'onirisme, a envahi l'essentiel de la musique alternative. Mais il résiste au passage du temps, à l'image d'un PINK FLOYD, grâce à un talent unique qui lui permet de s'approprier un public aussi large qu'hétéroclite. La preuve en est son succès, Stratosfear étant à ce jour l'album le plus vendu de TANGERINE DREAM. A l'observation de cette remarque s'agite pourtant le spectre de l'aspect "commercial"... que je balaye d'un revers, reprenant mon exemple de PINK FLOYD : on peut réaliser de très bonnes ventes non pas parce que l'on met de l'eau dans sa musique, mais parce que l'on est irrésistible ! Et je pense personnellement que Stratosfear s'inscrit en droite ligne dans cette seconde catégorie. On retrouve à la barre de cette galette, et ce pour la dernière fois, la première équipe la plus marquante et influente du groupe - qui a connu de nombreux bouleversements de line-up jusqu'à aujourd'hui -, à savoir Edgar Froese, Christoph Franke et Peter Baumann. Le premier, fondateur et encore actuel leader du groupe, a "rythmé" l'album, tandis que le second, Christoph Franke, s'est penché sur sa partie mélodique. Le dernier, Peter Baumann a quant à lui parsemé le travail de ses deux acolytes de ses diverses idées et bruitages. Le tout, hanté et puissant de symbolisme, attire l'attention par ses longues pièces millimétrées et l'univers stellaire qui s'en dégage.



L'album en lui-même, composé de quatre titres, séduit au premier abord par un paradoxe, qui dégage deux de ses principales qualités : il est très court - à peine trente-cinq minutes - mais jouit d'une profondeur musicale immense, rendant éternelles ses possibilités d'écoute. En un minimum de temps, TANGERINE DREAM arrive donc à nous transporter au-delà des frontières terrestres, au sein d'un univers langoureux, sombre, souvent glacé et toujours pénétrant. Il faut dire que les quatre pièces de la galette se partagent de manière à peu près équitable la demi-heure d'écoute, ce qui leur laisse largement le temps de se déployer chacune dans leur thème respectif.



L'œuvre d'ouverture, éponyme, invite immédiatement au voyage : s'ouvrant sur un délicieux arpège de guitare électrique, elle bascule très vite - mais délicatement - sur un thème électronique au rythme répétitif. Celui-ci insuffle à la musique un caractère frénétique, cependant atténué durant les dix minutes du morceau par le lyrisme de mélancoliques notes synthétiques. Un véritable rêve où d'improbables astres semblent entrer en collision dans une douceur extatique. Le second morceau, « The Big Sleep in Search of Adhes », est le plus court de l'album avec ses quatre minutes standard. Ce qui ne l'empêche pas de transporter l'auditeur, qui pourra apprécier la virtuosité et la pertinence des instruments utilisés : un clavecin vaporeux et inspiré, une basse appuyée teintée d'obscurité, ainsi que les traditionnelles nappes de synthétiseurs, perforées au milieu du morceau par une ligne de clavier dissonante et un éphémère cortège de voix fantomatiques, elles aussi exécutées au piano électronique. L'atmosphère y est plus nuageuse que sur « Stratosfear », renvoyant à un imaginaire aérien cotonneux et bleuté.



"3 am At the Border of the Marsh From Okefenokee", troisième œuvre de Stratosfear, constitue peut-être la pièce la plus intrigante de l'album. Angoissante et névrosée, elle s'inspire d'un paysage de forêt et de tourbe visibles au sein des marais d'Okefenokee, vastes de 1600 kilomètres carrés et s'étendant sur les deux États nord-américains de Géorgie et de Floride. On peut imaginer à quel point cet espace, peuplé de marécages d'eau noire et d'arbres spectraux, a pu animer les trois allemands à l'heure tardive où ils l'ont visiblement arpenté. Dans ce morceau ambiant par définition, les instruments semblent vouloir recréer les sons nocturnes que l'on peut y entendre : en introduction, un clapotis de synthé métronimique pour l'eau vaseuse qui s'égoutte silencieusement, rattrapé par un air fuyant d'harmonica pour les cris des rares habitants du lieu. Le décor ainsi planté, aussi fourmillant que funeste, bascule soudain vers le churrigueresque au travers d'une nappe de brouillard paroxysmique, un brasier de synthétiseur qui pourrait rappeler un lever de soleil mais qui, à trois heures du matin, s'apparenterait plus à la découverte fantasmagorique d'une étendue marécageuse particulièrement obscure et désenchantée. Les notes qui se dégagent de cette vague assourdissante constituent sûrement l'un des thèmes les plus perforants de l'album, voir de toute l'œuvre de TANGERINE DREAM : mélange d'effroi et de tristesse, elles se diffusent aussi nettement que lourdement dans l'atmosphère oppressante du morceau et possèdent cette rare capacité de projeter à l'inconscient de véritables images, à la fois fortes et sensibles. Quatrième et dernier morceau de Stratosfear, "Invisible Limits" a l'avantage d'ouvrir l'album et non de le refermer, ce que sous-entend d'ailleurs son titre : plusieurs instruments font leur (ré)apparition, comme la guitare électrique, la batterie et le piano traditionnel, montrant à l'auditeur la diversité de registres de TANGERINE DREAM et, par là, l'inachèvement de sa quête musicale. Tout est dit par cette pléthore d'instruments, desquels TANGERINE DREAM sort les tripes avec fureur ou volupté durant tout le morceau.



Stratosfear apparait ainsi comme l'un des albums les plus aboutis du trio allemand, du moins jusqu'à Cyclone et l'apparition éphémère du chant - salvateur et d'une rare justesse, contrairement à ce que beaucoup pensent - dans leur musique. De la première à la dernière note, TANGERINE DREAM est comme d'habitude hanté par le désir précieux et précis de faire voyager son auditeur, au-delà du ciel et de la terre, dans un magma de sonorités toutes plus fines et gracieuses les unes que les autres. Leur musique se vit comme une odyssée, un voyage long et déstructurant aux confins de la musique électronique et alternative. On vibre au moindre bruissement des instruments (cette note de guitare électrique divinement saturée à 7m44s, sur "Stratosfear") on s'émerveille des ambiances souvent épiques tissées grâce aux synthétiseurs (le thème transpirant de solennité au milieu de "3 am At the Border of the Marsh From Okefenokee") et on frémit de curiosité à chaque changement de rythme (les trois constructions musicales distinctes mais parfaitement orchestrées d'"Invisible Limits"). Nul doute, la beauté triste a depuis 1976 un nom et un symbole : Stratosfear de TANGERINE DREAM.







TRACKLIST :

A1. Stratosfear
A2. The Big Sleep In Search Of Hades

B1. 3 AM At The Border Of The Marsh From Okefenokee
B2. Invisible Limits




samedi 31 mars 2018

Garbage - Version 2.0



GARBAGE - VERSION 2.0
Mushroom Records - MUSH29LP – 1998


3 ans… c’est le temps qu’aura mis Garbage à pondre son deuxième album Version 2.0… ou plutôt un an, car le groupe a fait une tournée triomphale après le beau succès de leur album éponyme, et ils devaient vite se dépêcher d’enregistrer le successeur, sinon leur maison de disque allait se fâcher tout rouge.

Avec ce Version 2.0, Garbage réutilise la même formule que son cadet, et arrive pourtant à sortir un disque différent. Il faut dire qu’ils n’ont pas lésiné sur les arrangements et le travail fourni est impressionnant. Garbage n'a pas failli à sa réputation de groupe qui aime les studios.

Mais entamons tout de suite cette galette car j’ai faim…

« Temptations Waits » est un titre très indus (comme beaucoup de ce disque d’ailleurs), imprimé sur un beat techno et des synthés très en avant. Les guitares ne sont pas très présentes, et ne viennent ponctuer que de temps à autre la chanson afin d’en épaissir la consistance… Ma foi, ça commence plutôt bien, mais pour ceux qui croient que le groupe ne fait plus de rock, ne vous inquiétez pas: « I Think I’m Paranoid » véritable mur du son, voit le retour des grosses guitares toutes sales comme on les aime sur un refrain imparable, entrecoupé d’une voix passée au filtre pour Shirley sur certains passages… décidément c’est encore plus expérimental qu’à l’accoutumé, et le groupe assume sans complexe ses influences indus.

Allez, on continue la route avec « When I Grow up » encore plus synthétisé mais qui laisse tout de même de la place à la batterie et à la basse. La rythmique est solide et c’est une fois de plus un gros moment de saturation qui se ramène sur le refrain, mémorisable en un instant. « Medication » est la première ballade du disque, ça part tout doucement avec une guitare limite cristalline (qui l’eût cru?), la voix de Shirley triste et charmeuse, et ça continue très fort avec un refrain puissant comme à l’habitude (on ne change pas une équipe qu gagne hein ?). « Special » propose enfin un temps mort afin de nous faire digérer le reste, l’efficacité est toujours au rendez-vous, mais ce morceau est plus simple dans sa construction et ses arrangements. Une petite réminiscence au premier album n'est pas malvenue!

Bon c’est quand qu’ils font un faux pas les zigotos… pas avec « Hammering in My Head » en tout cas. Déroutant au premier abord, il prend toute son ampleur au fur et à mesure des écoutes. Violent, rapide, malsain, c’est une espèce de rouleau compresseur qui s’empare de vous, un condensé de technologie à lui tout seul, cisaillé au cordeau par les notes de clavier et un chant aigu assez surprenant afin de calmer le tout, avant de repartir de plus belle.

Mais c’est qu’ils commencent sérieusement à m’énerver, c’est quand qu’il arrive le chat noir de ce disque? Pas maintenant Vivi…(vous constaterez que j'aime beaucoup dialoguer avec moi-même). « Push it » est dans le style d’ « I Think I’m Paranoid » mais avec une ambiance plus poisseuse et collante… peut-être mon morceau préféré du disque. « The Trick is to Keep Breathing » colle le frisson grâce à ces claviers éthérés qui distillent une certaine pureté sur un titre d’une intensité rare.

Je crois qu’il n’y aura pas de mauvais titre pour cet opus, et je continue à parcourir ma galette, et mon appétit du début, commence à s'estomper… « Dumb » et « Sleep Together » semblent former le parfait ajustement entre rock et électroniques…ni trop, ni pas assez… « Wicked Ways » bénéficie d’un refrain et d’une rythmique entêtante, rehaussé par les guitares massives qui en rajoutent une bonne couche. C’est déjà le dernier titre qui arrive avec la ballade « You Look So Fine », douce et pleine de tristesse, il suffit juste de se laisser bercer et de fermer les yeux, et pour ceux qui le désirent, verser quelques larmes…

C’est terminé, et maintenant il va falloir que je digère, ce qui risque de me prendre un petit moment. Je suis à la limite de l’indigestion même, et c’est peut être le seul défaut que j'ai trouvé à ce disque. Plus dense, plus froid et plus expérimental que leur premier album, Version 2.0 est un peu plus long à assimiler, et ne prend que toute sa dimension avec le temps.
Mais devant un groupe aussi travailleur, qui ne se repose pas sur ses lauriers et qui arrive à se régénérer avec les mêmes ingrédients qu’auparavant, j’aimerais faire des indigestions plus souvent ! (Vivi - FP).





TRACKLIST :

A1. Temptation Waits
A2. I Think I'm Paranoid
A3. When I Grow Up
A4. Medication
A5. Special
A6. Hammering In My Head

B1. Push It
B2. The Trick Is To Keep Breathing
B3. Dumb
B4. Sleep Together
B5. Wicked Ways
B6. You Look So Fine




vendredi 30 mars 2018

Wishbone Ash ‎– Argus




Wishbone Ash ‎– Argus
MCA Records ‎– 250 473-1 – Europe – 1972



Wishbone Ash, ce groupe à l'identité unique, posé en 1966 sur les cendres de Empty Wessels, qui fait son entrée chez MCA Records avec l'aide de Ritchie Blackmore et Derek Lawrence et qui, savamment, opère à la jonction entre le rock et le rock progressif, n'est pas à présenter, et je n'aurais pas cette audace. Ces informations, vous les connaissez, vous, grands amateurs de musique passée, présente et future. Et sinon, les détails pleuvent à foison sur la toile, jamais rassasiée. Car, que de millions d'albums acquis par les gourmands de son et que de milliers de concerts, pour des yeux écarquillés et des tympans avides? Je paraphrase.


Aujourd'hui, je veux parler de ce qu'on dit souvent être la poutre maîtresse. Le révélateur de talent. La claque dans la tronche. Argus. Enregistré en janvier 1972 dans les studios De Lane Lea à Londres. Considéré bel et bien comme une œuvre majeure du groupe. Plus grand succès de Wishbone Ash au Royaume-Uni. Troisième place des Charts et 169ème au Billboard (USA). Je paraphrase encore. Ce n'est ici que ce que notre bible Wikipédia nous apprend. Pourquoi en parler à présent, quelques quarante-six ans après ? Quelques millions de lignes derrière ? Eh bien, parce qu'avant de coucher ces lignes supplémentaires, je n'en ai eu cure des charts, de l'aura pressentie, ressentie, analysée ou de que sais-je encore. Et si vous me connaissez, vous saurez que je m'en tarte toujours encore tandis que j'écris. Je loue certes le bon sens des contemporains et des suivants qui ont su saluer pleinement l'illustre album de mille louanges mérités. Cet Argus... qu'il me semble avoir découvert bien avant mon âge, alors que c'était juste dans cet hier. Pur paradoxe émotionnel, tant son écoute et son appréciation me semblent aller de soi. J'en parle simplement parce que je l'aime. J'ai cette envie. Moi qui l'ai découvert dans mon alcôve, moi qui m'en suis émue, dans mon coin. Juste comme ça. Et parce que s'il y avait Un album pour tout dire, s'il n'y en avait qu'un seul à choisir, ce serait celui-ci et nul autre, qui à lui seul, condense tant d'essentiels. Tant de vérités. Tant d'instants. Tant de cendres. Comme un fait exprès. Avant que ça ne se passe. Avant que je ne le vive.

Anglais, et en rien flegmatique. Nous débutons sur les tendres arpèges de "Time Was". Un premier mot. Un premier constat. Ce « I've got to rearrange my world. I miss you, I need you », oui. Et trois minutes qui s'écoulent doucement, tendrement. Et sans faillir, passé ces trois petits instants, nous sommes soudain jetés dans un rythme bien chaloupé. Qu'on nous secoue les puces ! Mais bien volontiers, nous répond Wishbone Ash. Mais il ne se contentera même pas de ça ! "Time Was" nous offre au long cours de ressentir cet afflux veineux enjoué, mené notamment par cette superbe envolée de guitare. Prémices à bien d'autres, soulignons le d'avance. Faut que je me secoue. C'est clair. Il le faut. Poursuivons. "Sometimes in Times" brosse ensuite, et à elle seule, ce qui fait tout le charme de cette auguste composition. Les paroles pourraient se prêter à une profonde et triste mélancolie, les groupes de funeral doom ne se priveraient pas de nous flageller sur cette matière offerte, et quelque chose dans la musique pousse en effet véritablement la gorge à se nouer. Mais pourtant, Wishbone Ash se saisit de nous différemment, dans cette rythmique qui donne la chair de poule, dans cet élan qui  propulse, dans ces « lalala » enthousiasmants, que de fougue, que de pulsion pressante vers le « j'm'en fous, j'ai envie d'exploser et de tourbillonner », partant de paroles pourtant riches d'émotions amères, que peu d'entre nous n'ont pas déjà éprouvées. « Sometime world, pass me by again - Carry you, carry me, away ». Cette tension d'un instant. Une alchimie, inédite encore, un transport immédiat. Alors ce "Blowin' Free", alors ces accents introductifs d'une nonchalance toute arrogante. Un pur bonheur. Toujours cet engouement génial qui dépasse les paroles prononcées. Comme une leçon, plus que bienveillante. On pose un instant le propos, certes. La guitare répond, voix superbe, certes. Prenez conscience des faits et puis... secouez-vous bon sang ! On n'a de cesse de vous le dire !  Allez, laissez vous chambarder par cette frénésie, par ces rythmes balancés, par cette basse prenante qui vous saisit les hanches... Free, lâchez-vous, dans la dernière cavalcade qui clôt le titre en puissance, comme une folle lancée sur des rails et qui se moque de tout, et de vous.

Alors. Face B. Cette avancée progressive. Cette marche. Martiale. Et non martiale. Franche. Et barrée tout à la fois. "The King Will Come". Toujours cette guitare fantastique qui mène le propos, bien plus que les voix. Bien plus en avant. Véritable narratrice. Ronde, chaude, débridée. Fulgurante. Elle dit tout à elle seule. Vous emporte dans des songes progressifs de haute volée. Des mots pour la décrire ? Qu'en ai-je à faire. Écoutez seulement le manifeste ! Les voix la cueillent juste au passage pour nous ramener à l’intelligible. Juste ça. Écoutez – ou plutôt, réécoutez, car depuis le temps, vous connaissez l'affaire – et vous saisirez, mieux. Et alors. Alors... Ai-je besoin de vous énoncer ce qui compose le cœur de cette œuvre de Wishbone Ash ? Est-il besoin de nommer seulement celle qui s'élève à présent ? "Leaf and Stream" ? Simple comme son nom. Une feuille et un ruisseau. Elle et nulle autre. Une mélodie folk. Un murmure au crépuscule des pensées. Qui vient nous bercer entre deux rêves et que l'on se sent juste orgueilleux de contempler, encore, et encore, et encore. Sans jamais connaître de lassitude. Jamais. Trop brève est-elle seulement? Volée à l'instant? Peut-être. Ou peut-être pas.  Non. Finalement pas. Car elle laisse une empreinte unique et indélébile. Et il n'est point besoin de coucher les mots sur elle. En quelques instants, elle dit  l'essentiel et ce n'est que trop. "Warrior" ? Une bouffée d'air vrai. Une explosion de saveurs. Une conquête. Un réveil.  "Throw Down the Sword" ? Ni blanc, ni noir. Comme tout cet ensemble. Qui dit une chose, sur ce ton qui dément et acquiesce. Dans le même temps. Fataliste ? Jamais. Mais pas dépourvue d'émois. Certainement pas. Écoutez, écoutez ce duo qui s'élève. C'est épique. Comme tous les dialogues de valeur. Ça vole haut. Très haut. Comme jamais. Quant à "No Easy Road" présente sur la première reissue ? Un final à l'avenant. A l'appui d'un clavier piquant et dynamisant. Une ultime note qui vous réveille les sens. Vous bouscule. Pas facile la vie, n'est-ce pas ? Mais ça va aller ! Vous le savez. Et on vous pose la note, au cas où vous en douteriez.

Argus, c'est juste ça. C'est cette bouffée d'oxygène. Une ventoline quand vous manquez d'air. Une pression sur le plexus solaire. Argus est lumineux. Et ceux qui s'en saisissent le savent bien. Avec tout le bordel qui nous parcourt la tête, n'est-ce pas justice que de tout voir si superbement condensé, illustré et porté, avec tant d'amour, de joie et d'entrain ? Lisez ses mots. Écoutez ses sons. A nouveau. Ce que cet album connu, par trop familier, a encore et toujours à vous conter, à raviver et à nourrir. Et de vous dire, que ça ne date pas d'hier ? Oui. Ce sentiment est daté. De cette heure unique où vous l'avez ouvert la première fois. Si loin. Mais on peut s'en griser encore et encore, à cette heure présente. Il est toujours vivace. Ardent. Magnifique. (Tabris – Les Eternels).









TRACKLIST :

A1. Time Was
A2. Sometime World
A3. Blowin' Free

B1. The King Will Come
B2. Leaf And Stream
B3. Warrior
B4. Throw Down The Sword





dimanche 25 mars 2018

Deep Purple - Machine Head




DEEP PURPLE - MACHINE HEAD (1972)
(Sur la photo, réédition 2012, 40th Aniversary 12"+7" 180Gr Vinyl).



4 décembre 1971. Montreux, Suisse. Les membres de Deep Purple semblent bien partis pour passer une bonne soirée. En effet, ils assistent au concert de Frank Zappa au « Gambling House », au bord du lac Léman, concert incroyable mais également tristement célèbre. En effet, il se trouve qu’un spectateur eu la mauvaise idée de tirer une fusée dans le plafond, mettant ainsi le feu à l’édifice. De cette anecdote, qui coûta tout de même $48 000 de matériel à Franck Zappa, naquit "Smoke On The Water", le titre le plus connu de l’histoire du rock.

Un an auparavant, l’essai "In Rock" a été brillamment transformé par un "Fireball" moins incisif mais plus osé, et le groupe commence à s’installer très confortablement dans la cour des grands. C’est donc chez les Helvètes qu’ils prévoient de donner un successeur à ces deux albums, avec le célèbre studio mobile des Rolling Stones. Les roadies de Purple ayant par chance refusé au dernier moment d’entreposer le matériel du groupe au Casino, l’enregistrement de ce qui allait devenir l’un des albums les plus emblématiques de la décennie pu se dérouler en un temps record pour le groupe : deux semaines.

Réduire "Machine Head" à "Smoke On The Water" est une erreur que je ne commettrai pas. En effet ce titre a, au fil du temps, totalement pris l’ascendant sur les autres (aux yeux du grand public), mais au départ "Smoke on The Water" n’est pas sorti en single, le premier étant "Never Before", qui démarre de façon plutôt groovy pour nous emmener dans un développement incisif et efficace. La marque de fabrique Purple, à savoir la complémentarité entre guitare et claviers, est parfaitement utilisée ici et transcende par ailleurs des titres comme "Maybe I’m A Leo" et "Lazy", composée en une nuit par un Blackmore à qui le reste du groupe reprochait sa fainéantise. Sur l'album, ce même Blackmore est virtuose, mais jamais envahissant comme trop souvent dans le Hard Rock, et les joyeuses digressions de "Pictures Of Home" sont jouissives à souhait grâce à la clarté du propos.

On pourrait penser qu’une production plus minimaliste nuise à l’agressivité de l’album, mais il n’en est rien. Même si le son n’est pas aussi nerveux que celui d' "In Rock", les titres comme "Space Truckin’" ou "Highway Star" sont des brûlots pleins d’énergie. Le premier était écouté par les astronautes de la mission Columbia de 2003, faisant de Machine Head un des rares albums à être allé dans l’espace. "Highway Star" est l’un des titres les plus réussis de l’album et ouvrira superbement de nombreux concert de Deep Purple, dont le fameux "Made In Japan". Le solo de ce morceau speed (plutôt dominé par l'Hammond par ailleurs) reste l’un des plus emblématiques du talent et du touché de Blackmore. Il faut noter aussi que deux titres de cet album, à savoir "Lazy" et surtout "Space Truckin’", donneront lieu à de grandes improvisations en concert.

Il s’est trouvé des personnes pour juger "Machine Head" commercial, trop simple, loin des expérimentations des deux albums précédents. Cette vision des choses me parait bien réductrice. Les morceaux sont peut-être un peu calibrés, mais je lui trouve une variété de mélodie rare dans le milieu, les développements sont toujours parfaitement à propos, et la phrase usée jusqu'à la corde « Il s’écoute sans faim. » prend ici tout son sens. Chaque titre est formidablement mis en valeur par cette production, et l’album vous enchantera par ses atmosphères grandioses et Rock pendant bien longtemps. Il est impossible de se lasser de ces sept titres (huit avec l’incorporation de "When A Blind Men Cries", superbe ballade blues…) qui sont chacun des diamants brut de Hard Rock. Incontournable. (Sozo).





TRACKLIST :

A1. Highway Star   
A2. Maybe I'm A Leo          
A3. Pictures Of Home       
A4. Never Before    
B1. Smoke On The Water 
B2. Lazy       
B3. Space Truckin'





Ten Years After - Ssssh




Ten Years After ‎– Ssssh.
Chrysalis ‎– 1C 038-3 21083 1– Europe – 1969


Quatrième album du groupe de rock anglais (à tendance fortement bluesy) Ten Years After, Ssssh est sorti en 1969. Le titre étrange et pas très réussi et la pochette rouge et assez moyenne cachent probablement le fait que cet album est, derrière Cricklewood Green (1970), le meilleur album du groupe, le second meilleur album (et, chronologiquement parlant, le premier sommet, car venu avant Cricklewood Green). Très court (32 minutes pour 8 titres), Ssssh fait partie des albums les plus réputés de la fin des années 60. Ten Years After (alors constitué d'Alvin Lee à la guitare et au chant, de Leo Lyons à la basse, de Ric Lee à la batterie et de Chick Churchill à l'orgue) y est quasiment en état de grâce.

Alvin Lee, surtout, dont la guitare et la voix sont particulièrement en forme ici. De Bad Scene à I Woke Up This Morning, en passant par Good Morning Little Schoolgirl (une reprise) et The Stomp, Ssssh offre un condensé imparable de rock mâtiné de blues, suffisamment rythmé pour vous faire tenir durant tout l'album, mais très mélodique, et assez bien produit, de plus. Mention ultra spéciale à I Woke Up This Morning. Son seul défaut est d'être franchement  trop court (un peu plus d'une demi-heure), y compris en fonction des standards de l'époque (en général, 36 ou 38 minutes, parfois plus, mais les albums de 30-33 minutes étaient moins fréquents que ceux de 36 ou 37 minutes).

Un des meilleurs albums de Ten Years After, un des meilleurs albums de rock de la fin des années 60 et de l'année 1969 (une très très grande année : les deux premiers Led Zeppelin, Then Play On, Let It Bleed, Abbey Road, Ummagumma, In The Court Of The Crimson King, Beck-Ola, Blind Faith, The Soft Parade...). Ssssh est donc un indispensable pour votre discothèque !






TRACKLIST :

A1. Bad Scene
A2. Two Time Mama
A3. Stoned Woman
A4. Good Morning Little Schoolgirl

B1. If You Should Love Me
B2. I Don't Know That You Don't Know My Name
B3. The Stomp
B4. I Woke Up This Morning