THE SMASHING PUMPKINS - ADORE (1998)
Avec Adore, les Smashing
Pumpkins surprirent tout le monde, provoquant par là la louange des critiques
et un accueil plus mitigé du public. Car en effet, au lieu de chercher à
marcher dans les pas d’un Mellon Collie inégalable, le groupe amorça un virage
à quasiment 180° et nous proposa un album plus intimiste, aux accents… new
wave…
Ici, point de grosses
guitares donc, l’album est presque entièrement acoustique, dans une retenue des
arrangements, agrémentés par-ci par-là de sonorités synthétiques et soutenus
par une boîte à rythme. Ce dernier point n’est d’ailleurs par un simple choix
artistique, puisqu’il s’agit également de la conséquence de l’éviction de Jimmy
Chamberlin, à la suite d’une sombre affaire de drogue (mais existe-t-il
vraiment de « claires » affaires de drogue ?).
Si l’on connaît les
précédentes productions du groupe, le résultat a évidemment de quoi étonner, se
rapprochant davantage des Cure que d’un abrasif Nirvana. Mais avec un recul
avisé, il apparaît qu’Adore possède un charme qu’il serait dommage de négliger.
Abandonnant les démonstrations énervées, le groupe développe une autre facette
de son art, basée sur la sobriété des mélodies et l’élaboration d’atmosphères
poétiques, qui fait la part belle à la saveur des nuances.
L’album baigne globalement
dans un climat apaisant, mais cela ne signifie pas pour autant que tous les
titres se ressemblent. En fait, ils possèdent chacun leurs colorations propres
: certains se parent de teintes intimistes et introspectives, comme To Sheila,
Once Upon Time, Crestfallen qui peut d’ailleurs rappeler les morceaux calmes de
Mellon Collie, Annie-Dog dont la mélodie n'est pas sans évoquer l'air d'un
célèbre opéra miteux de Kurt Weill, ou encore Shame. D’autres sont plus
ondoyants, jouant sur les sonorités synthétiques (au demeurant très mesurées),
comme sur Ava Adore, qui sortit en single, Perfect, ou Appels + Oranjes.
D’autres titres encore se parent d’un halo de couleur sombre, empreints d’une
pesanteur diffuse, comme sur Daphne Descends, Tear, ou Pug notamment. Et pour
être tout à fait franc, il n’est pas rare que ces « changements de colorations
» s’opèrent au sein d’un même morceau.
Le chant est calme et posé,
mélancolique ou lyrique, ou bien encore plaintif et acide, mais jamais rageur.
La production, qui le met plutôt en valeur, permet d’en apprécier les
variations d’expression. Dans ce même ordre d’idées, les rythmes sont variés,
parfois juste esquissés, parfois plus appuyés, presque bondissants, parfois
pesants, mais jamais violents, à l’image des mélodies qu’ils soutiennent.
Pour taquiner la métaphore,
on pourrait dire qu’Adore est un paysage en clair-obscur, fluide comme un
fleuve et blême comme l’aube, familier mais jamais vraiment le même, qui se
décline en niveaux de gris plutôt qu’en clinquantes couleurs, comme une vieille
photo dont on n’aurait jamais fini de capter toute la richesse, cachée dans les
détours de ses détails.
Pour ma part, j’avoue que ma
préférence va aux titres qui bordent l’album, To Sheila, For Martha et Blank
Page, qui se trouvent épurés même des sonorités synthétiques et qui touchent
par là sans afféteries à la « substantifique moelle » de la poésie. Adore est
un album qui se savoure comme un alcool languide et non comme un tord-boyaux, à
la manière des albums précédents. Il faut le laisser tranquillement se
distiller dans le creux de l’oreille.
A l’époque, j’avais été
assez déçu, appréciant plutôt les Smashing Pumpkins pour leur côté énergique,
mais je dois reconnaître qu’Adore est véritablement une réussite. Le groupe a
su se renouveler et livrer un autre petit joyau, aux antipodes de Mellon Collie
& the Infinite Sadness. Il abordera par la suite plus ou moins sereinement
la pente descendante de sa carrière, car sans conteste, Adore demeure le
crépuscule artistique du groupe...
TRACKLIST :
A1 To Sheila
A2 Ava Adore
A3 Perfect
A4 Daphne Descends
B1 Once Upon A Time
B2 Tear
B3 Crestfallen
B4 Appels + Oranjes
C1 Pug
C2 The Tale Of Dusty And Pistol Pete
C3 Annie Dog
C4 Shame
D1 Behold! The Night Mare
D2 For Martha
D3 Blank Page
D4 17
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