NOIR DESIR - TOSTAKY (1992)
Depuis leur premier album et leur premier succès, les
membres de Noir Désir ne s'accordent pas vraiment de vacances. Après des
tournées monstrueuses aux quatre coins de la France et de l'Europe, ces
messieurs nous livrent déjà leur troisième album : un rouleau compresseur, un
enfonceur de portes, un drapeau levé bien haut, une pierre jetée dans le lac
trop gentil et paisible du rock français.
Travaillant assidûment avec Tid Niceley, la musique de Noir
Désir sent ici la transpiration plus que jamais, la voix de Bertrand est
beaucoup plus dure et grave (dans les deux sens du terme), la musique est
beaucoup plus nerveuse, expéditive, comme le prouve le riff mémorable de
"Tostaky (le continent)". Les mains de Serge, déjà très habiles sur
les albums précédents, commencent ici à faire des miracles et à donner à ses
guitares une place de choix dans les compositions. Les décibels pleuvent du
premier au dernier titre, même dans les morceaux les plus calmes comme
"Oublié", "Marlène" ou "Lolita nie en bloc".
Du blues au folk en passant par un rock sauvage et puissant,
le paysage de cet album est très influencé par la musique outre-Atlantique,
électrique ou acoustique, noire ou blanche. Tout comme les textes de Bertrand
qui alternent entre français, anglais et espagnol.
Poésie qui s'affine de plus en plus, la plume rimbaldienne
des premiers albums laisse place à une écriture plus discordante ("One
Trip / One Noise"), plus spontanée ("Lolita nie en bloc"),
donnant à Tostaky l'allure d'un petit recueil fonctionnant seul et totalement
cohérent.
N'hésitant pas à inviter des personnages séduisants ou
effrayants dans ses textes (l'allégorie sexuelle "Alice", la ballade
militaire "Marlène", la reprise de "Johnny Colère",
morceaux d'un groupe français au doux nom de 'Les Nus'), Bertrand dresse un
portrait sombre et narquois d'une Amérique étrange et rêveuse, image qu'il
s'amuse à reporter sur la France.
L'écoute de cet album laisse l'agréable impression d'avoir
vécu quelque chose. A la manière d'une bande originale de film, Tostaky fait
voyager, invite à l'imagination, aux images, la musique est colorée, la voix de
Bertrand est rassurante. Spectateur mais aussi acteur, il est laissé à
l'auditeur une liberté d'interprétation inégalable, faut-il danser ou pleurer
sur "Tostaky (le continent)" en criant à tue-tête ces deux vers
mythiques "Soyons désinvoltes/N'ayons l'air de rien"? Faut-il aimer
ou avoir peur de "Marlène"? Faut-il voir "Ici Paris" comme
un message d'espoir ou comme une dénonciation? [...]
Un album qui fait bouillonner le corps et la tête, Tostaky
donne une nouvelle identité au groupe, il lui confère un avenir non seulement
musical mais aussi socio-culturel, invitant les curieux à regarder de plus près
ce qui est pointé du doigt (sexe, racisme, totalitarisme...) en lançant, ici et
là, des messages de rassemblement.
Album surprenant, unique, époustouflant ; Tostaky réussi, en
douze morceaux, à faire mariner entre elles des musiques venues d'ici et
d'ailleurs, faisant de ce tout un système extrêmement cohérent, que l'on aime à
se représenter comme hymne international.
TRACKLIST :
A1 | Here It Comes Slowly | 3:03 | ||
A2 | Ici Paris | 3:37 | ||
A3 | Oublié | 4:33 | ||
A4 | Alice | 3:55 | ||
A5 | One Trip / One Noise | 4:12 | ||
A6 | Tostaky (Le Continent) | 5:29 | ||
B1 | Marlène | 3:03 | ||
B2 | Johnny Colère | 2:17 | ||
B3 | 7 Minutes | 6:00 | ||
B4 | Sober Song | 2:51 | ||
B5 | It Spurs | 3:53 | ||
B6 | Lolita Nie En Bloc | 3:30 |
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