MIKE OLDFIELD - TUBULAR BELLS (1973)
En général, pour présenter Mike Oldfield, on jette quelques
expressions d’usage : « guitariste », « Moonlight Shadow », « To France », et
surtout « Tubular Bells », mais on peut vraisemblablement être un peu plus
constructif dans la présentation. Et dire notamment que Oldfield est un
multi-instrumentiste prodige, même si sa prédilection va à la guitare (son jeu
d’arpèges est assez caractéristique), et qu’il a effectivement touché le public
avec des chansons pop-folk gentillettes, mais aussi et surtout avec des
monuments de « rock progressif instrumental » (si le terme convient), tel que
ce Tubular Bells, ou encore Hergest Ridge, Incantations et autres Ommadawn,
dont l'aura ira jusqu'à éclabousser les genres new-age et musique électronique
encore en gestation.
Pour beaucoup, Tubular Bells est associé au film
l’Exorciste, qui eut un impact certain, sinon décisif, sur son succès. Que dire
d’autre ? Mike Oldfield n’a que 17 ans lorsqu’il commence à travailler sur ce
projet, en 1970 (jouant alors de la basse dans le groupe Kevin Ayers and the
Whole World). Après plusieurs défections auprès des maisons de disques, il est
repéré par Richard Branson et signe ici le premier album du nouveau label
Virgin Records. On pourrait en dire encore beaucoup sans doute, mais le cadre
général étant planté, parlons maintenant plutôt de la musique, si vous le
voulez bien.
L’album se compose de deux vastes mouvements, qui s’appuie
notamment sur un thème principal (LE fameux thème), une suite de notes assez
répétitives en fin de compte, mais qui, édifié en leitmotiv soumis à diverses
variations, apparaît comme la véritable empreinte de l’album, utilisé tantôt
comme mélodie directrice, mené au piano et entouré d’une flopée de guitares de
tout type, tantôt en simple contrepoint, joué dans le lointain par un orgue,
une basse ou une flûte.
On constate d’ailleurs que le travail de composition de
Oldfield repose beaucoup sur ce principe de répétition et de variations (ce qui
peut parfois être un peu lassant), et l’on comprend alors pourquoi cela cadre
parfaitement avec un film d’épouvante : la mélodie n’est pas nécessairement
effrayante en soi, au pire distante, mais sa répétition, encore et encore,
suffit à créer ce nœud de tension qui suscite le suspense. Notion de base
cinématographique, rappelez-vous d’Hitchcock.
Ainsi de nombreuses émotions se mélangent et se succèdent
dans ce Tubular Bells : mélodies douces, introspectives, soutenue par exemple
par des mandolines et des voix éthérées, atmosphère pesante, inspirée de la
musique religieuse et notamment du célèbre Dies Irae (cf. la Symphonie
Fantastique de Berlioz ou la Totentanz de Liszt), avec ses nappes de claviers
soudain inquiétants, passage épique aux guitares, ou bien lyrique, ou encore
agressif, voire même cocasse comme la gigue bucolique (alcoolique ?) qui fait
office de coda au deuxième mouvement.
Toujours dans cette ordre d’idées, on notera quelques
trouvailles intéressantes comme le passage de la présentation des instruments
par Viv Stanshall, qui conclue la Première Partie au son des fameuses cloches
tubulaires (et qui sera reprise avec brio dans l’album Tubular Bells 2), ou
bien surprenantes, comme cette voix gutturale, plus rigolote qu’effrayante
d’ailleurs, qui surgit dans la seconde partie, avec dans son sillage toute une
traîne de guitares abrasives et la présence ponctuelle d'une batterie.
Le jeu de guitares quant à lui est déjà assez
caractéristique de l’artiste et nous offre quelques moments d’héroïsme, comme
cette attaque de riffs vindicatifs dans la quatorzième minute de la Première
partie, où le paysage sonore se charge tout à coup d’une électricité peu
commune (due à la superposition de plusieurs sons de guitares, idée que
Oldfield reprendra, en l’accentuant, dans Hergest Ridge), ou bien quand une
armée de six cordes s’unissent pour imiter le son flamboyant de cornemuses
écossaises, dans la Seconde Partie.
C’est assez frappant de se rendre compte comment toute une
palette d’impressions diverses se retrouve et s’entremêle en seulement deux
amples morceaux, formant ainsi une peinture assez originale, mais qui garde,
malgré tout, une cohérence intrinsèque, grâce essentiellement à la patte
spécifique de l’artiste.
De fait donc, pour une première œuvre, Tubular Bells se
révèle indéniablement d’une très grande richesse et fait montre d’une invention
certaine. Pour autant nous ne sommes pas dans les paysages atmosphériques
planants, tissés par un Pink Floyd par exemple (la teneur en rêve est moindre
ici), et l’album fleure bon l’artisanal par moments. Non exempt de défauts, au
son parfois approximatif, c’est peut-être aussi ce qui fait son charme (ou bien
alors, il existe la version 2003, enregistrée avec les moyens actuels).
L’album fut un énorme succès et propulsa le jeune Oldfield
aux cimes de la notoriété. Malgré tout, cela se révéla aussi une sorte de
malédiction dont l’artiste ne parvint jamais vraiment à s’émanciper, revenant
toujours plus ou moins sur les traces de ce premier méfait, comme en témoigne
les nombreuses déclinaisons : Tubular Bells 2 et 3, Millenium Bell, sans
compter les versions orchestrales, symphoniques, et aussi les « clins d’œil »
que l’on peut trouver dans des albums réguliers, comme Crises.
Mais peu importe, Tubular Bells reste un classique.
Peut-être pas le meilleur de Mike Oldfield, mais un classique tout de même.
TRACKLIST :
A | Tubular Bells (Part 1) | 25:00 | ||
B | Tubular Bells (Part 2) | 23:50 |
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