jeudi 17 janvier 2013

Genesis - Nursery Cryme



GENESIS- NURSERY CRYME (1971)


Qu’on profite de ce début de chronique pour rétablir une vérité : non, Eddie Van Halen, aussi talentueux qu’il soit, n’est pas le premier à avoir introduit le tapping dans la musique rock ! Tout le mérite revient à Monsieur Steve Hackett, guitariste émérite et inventif, qui rejoindra Genesis à la fin de l’année 70, et ainsi apportera au groupe une teinte plus noire, plus agressive, mais surtout plus lyrique, ce qui va avoir son importance pour l’avenir...

Ah, ça, inventif, il avait intérêt à l’être : un mec qui passe une annonce dans le Melody Maker comme « recherche des musiciens déterminés à s’opposer aux formes musicales stagnantes », doit avoir les moyens de ses ambitions ! Heureusement, Hackett les a, et ne cessera de le prouver tout au long de sa carrière dans Genesis. Malgré cela, il est encore trop peu sûr de lui-même... et le live lui fait peur. Il verra bientôt qu’il n’avait aucun souci à se faire.

Ils ont Le guitariste : reste Le batteur ! Et si possible « sensible à la guitare 12 cordes », comme indiqué sur l’annonce qu’ils font paraître. Bien leur en prend : un certain Philip Collins, intrigué, décide se rendre à l’audition. Sa maîtrise et son assurance impressionnent: il est immédiatement engagé par le groupe. Philip devient Phil : nos cinq gaillards sont enfin réunis, et la Grande Aventure va pouvoir commencer...

Car avec Nursery Cryme, Genesis a bel et bien changé de division ! Du groupe romantique, gentiment progressif, on passe au stade de ténor du genre, le cercle fermé des véritables maîtres du rock prog, pour le rester jusqu’en 1978 ! Et ce serait faire preuve de mauvaise foi extrême que d’affirmer que les deux « nouvelles recrues » n’y sont pas pour quelque chose. D’abord Hackett, par son style torturé, touchant dans les moments tranquilles, menaçant lorsque la tempête se lève, puis rageur lorsqu’elle souffle à nos oreilles. Mais surtout Collins, au jeu de batterie à la fois vivace, subtil, précis, puissant tout en étant remarquablement fin ; dès cet album, il se place au niveau des meilleurs batteurs de prog (ex-aequo avec Bruford de Yes selon moi).

Effet galvanisant ? Il faut le croire, car les autres, conscients de l’apport de ces nouveaux membres, semblent repousser leurs propres limites : seul Banks reste égal à lui-même, c’est-à-dire excellent et pertinent ; Rutherford semble bien plus présent sur ce disque que sur Trespass, et enrichit les compositions par des contrepoints judicieux et, inconsciemment, indissociables de la mélodie centrale ; mais c’est bien Gabriel qui impressionne le plus ici ; il nous a sorti le grand jeu et se montre un chanteur énorme, sublimant tous les aspects dramatiques et théâtraux des morceaux.

Pas besoin d’aller chercher bien loin pour s’en convaincre : "The Musical Box", dantesque morceau d’ouverture de plus de 10 minutes, et assurément un des 5 plus grands titres de Genesis, nous montre de quoi ces musiciens sont capables : chef-d’œuvre de tension et de contrastes, entre fausse quiétude et éclats de violence: rarement le groupe n’aura sonné si noir. Il faut entendre Gabriel nous conter cette histoire sordide, d’abord d’une voix plaintive, comme prisonnière ; puis celle, haletante et obsédée, d’un vieillard libidineux, jusqu'à l’explosion finale à vous hérisser les poils, et ce cri de frustration qu’est : « Why don’t you touch me ! Touch me ! Touch me NOW ! NOW ! NOW ! NOW ! NOW ! » Assurément, un très grand moment de Musique.

Les deux autres titres épiques, sans être aussi merveilleusement fignolés, restent de parfaits ambassadeurs du style Genesis pour les années à venir : "The Return of the Giant Hogweed" qui reste dans la veine noire de "The Musical Box", se fait entraînant dans sa première partie, enjouée et ironique ; puis une danse étrange commence, au piano menaçant, sublimé par un solo royal du sieur Hackett (avec déjà des traces de tapping par-ci par là...) et hop, encore un final explosif. "Fountain of Salmacis", qui clôture le disque, se fait plus chatoyant, plus apaisé ; il est question ici de nymphe et de demi-dieu, autour d’un lac aux reflets troublants... et puis, au détour d’un break, ces reflets changent... et tandis que l’histoire se déroule sous nos yeux, on ne se rend plus vraiment compte que la musique est jouée... tous les cinq sont alors en total accord, en parfaite adéquation, le temps de quelques minutes d’un rare bonheur, jusqu'à ce que le lac reprenne son rythme tranquille, jusqu'à la conclusion lyrique en diable... il a suffi de trois titres pour se rendre à l’évidence: Genesis est déjà en marche vers le sommet.

Et qu’en est-il du reste ? Et bien, que ceux qui ont apprécié le raffinement de Trespass ne se sentent pas lésés : car voici l’autre facette développée dans ce disque : "For Absent Friends" première contribution vocale de Phil Collins, appuyé par une simple guitare : c’est court, mais c’est bon ! "Harlequin", véritable petite pépite, aux harmonies vocales merveilleuses et aux guitares tissées d’or ; et puis le tragique "Seven Stones", preuve, s’il en fallait, que Genesis pouvait également composer des morceaux plus courts, sans perdre des principales caractéristiques : magnificence et beauté. Bien sûr, tout le monde ne sera pas du même avis : et si vous n’avez pas apprécié Trespass , vous pourriez bien rester insensible aux charmes de ces morceaux finement troussés. Moi, je suis tout acquis à leur cause.


TRACKLIST :

  
A1       The Musical Box
A2       For Absent Friends
A3       The Return Of The Giant Hogweed

B1       Seven Stones
B2       Harold The Barrel
B3       Harlequin
B4       The Fountain Of Salmacis







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