samedi 22 avril 2017

Talk Talk - Spirit Of Eden


TALK TALK - SPIRIT OF EDEN
Parlophone ‎- 74 6977 1 - LP Album - UK - 1988


Comment débuter la chronique d’un album aussi important et aussi marquant? En s’indignant du fait que, presque 20 ans après sa sortie, il n’est pas encore totalement reconnu à sa juste mesure? En effet, pour beaucoup, le nom de Talk Talk reste attaché à la musique qu’offrait le groupe à ses débuts, à savoir de la pop new wave dans la veine des tubes "It’s My Life" (récemment massacré par No Doubt) ou "Such A Shame".

Pourtant, Talk Talk ne prend véritablement son envol qu’en 1986 avec The Colour Of Spring, soit le passage subtilement négocié d’une pop léchée et synthétique à une musique beaucoup plus recherchée et surtout incroyablement organique. Après le succès de ce troisième album, le groupe (en particulier son leader et sa voix, Mark Hollis) va décider de pousser jusqu’au bout ce qu’il a commencé avec brio sur The Colour Of Spring, au grand dam des pontes de EMI qui espéraient que le groupe leur ponde de nouveau des tubes de la classe d’un "Life’s What You Make It". Le groupe explose le budget et les délais imposés par la maison de disque, puis annonce qu’il n’y aura ni single, ni tournée de promotion. Et c’est en septembre 1988 que sort pour de bon Spirit Of Eden.



À quoi ressemble cet album? Difficile à dire. À vrai dire, il ne ressemble à rien de ce qu’a pu faire le groupe avant (à part peut-être "April 5th" et "Chameleon Day" sur l’album précédent) et à pas grand chose non plus si l’on s’en tient au rock « traditionnel ». Seul élément familier, la voix unique de Mark Hollis, cette voix plaintive, chevrotante et à fleur de peau. Pour le reste, l’album est une véritable cathédrale émotionnelle. La musique y est constamment en apesanteur, oscillant entre des moments de tension incroyables et d’autres d’une sérénité à couper le souffle, tous magnifiés par la richesse et la pureté de l’instrumentation.



On rentre dans le vif du sujet avec la magnifique suite qui comprend les trois premiers morceaux (plus de vingt minutes qui occupaient à l’époque une face entière du disque). Trompette plaintive, nappe de cordes minimalistes, harmonica déchirant... L’ambiance s’installe puis se calme progressivement avant que ne soit décoché le premier son de guitare, au bout de deux longues minutes. Le rythme lancinant démarre et la voix de Mark Hollis est plus posée que jamais. Les trois morceaux s’enchaînent avec comme fil conducteur ce rythme de batterie, tel un cœur qui bat. C’est sur ce rythme que se succèdent des envolées d’une beauté et d’une puissance indescriptibles, chaque morceau constituant un crescendo par rapport au précédent. Sur "The Rainbow", une simple montée d’orgue. Sur "Eden", une montée d’orgue accompagnée d’un arpège de guitare acéré et de la voix puissante de Mark Hollis. Enfin sur "Desire", un déluge de percussions apocalyptiques, des rugissements de guitare et une mélodie de basse qui forment une sorte de magma sonore. À chaque fois, la musique vous prend aux tripes et redescend d’un coup. Frissons garantis.



La deuxième partie du disque est composée de trois morceaux calmes, encore une fois d’une splendeur rarement égalée par un groupe de rock. "Inheritance" est le minimalisme incarné. Piano, batterie discrète et quelques sons de guitare. Le refrain est stupéfiant, basse et orgue offrant un écrin parfait à la voix de Mark Hollis. "I Believe In You" brille par la présence bouleversante de la chorale de la cathédrale de Chelmford, qui vient ajouter une touche de lyrisme aux nappes d’orgue qui ponctuent cette chanson. Enfin, "Wealth" s’appuie de nouveau sur une nappe d’orgue, un piano et une contrebasse, simplement accompagnés de notes presque psychédéliques égrenées à l’orgue Hammond. La fin de l’album est d’une tranquillité absolue, la meilleure façon de clore ce chef-d’œuvre qui porte merveilleusement bien son nom.

Inutile de dire que tout ça n’a pas plu à EMI, qui a bien tenté de faire un single avec une version raccourcie de "I Believe In You" contre l’avis du groupe, précipitant ainsi la rupture. Inutile non plus de dire qu’ils n’ont pas remporté beaucoup de succès avec cet album. Pourtant, la portée de Spirit Of Eden (et de son successeur, le tout aussi fascinant Laughing Stock) est aujourd’hui incontestable. Il a participé à la création d’un des genres les plus importants des années 1990, le post-rock, tout en influençant une cohorte d’artistes. À posséder absolument, donc. (Flyingwill - Metal Immortel).






TRACKLIST:

A. The Rainbow / Eden / Desire
B1. Inheritance
B2. I Believe In You
B3. Wealth






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