vendredi 30 mars 2018

Wishbone Ash ‎– Argus




Wishbone Ash ‎– Argus
MCA Records ‎– 250 473-1 – Europe – 1972



Wishbone Ash, ce groupe à l'identité unique, posé en 1966 sur les cendres de Empty Wessels, qui fait son entrée chez MCA Records avec l'aide de Ritchie Blackmore et Derek Lawrence et qui, savamment, opère à la jonction entre le rock et le rock progressif, n'est pas à présenter, et je n'aurais pas cette audace. Ces informations, vous les connaissez, vous, grands amateurs de musique passée, présente et future. Et sinon, les détails pleuvent à foison sur la toile, jamais rassasiée. Car, que de millions d'albums acquis par les gourmands de son et que de milliers de concerts, pour des yeux écarquillés et des tympans avides? Je paraphrase.


Aujourd'hui, je veux parler de ce qu'on dit souvent être la poutre maîtresse. Le révélateur de talent. La claque dans la tronche. Argus. Enregistré en janvier 1972 dans les studios De Lane Lea à Londres. Considéré bel et bien comme une œuvre majeure du groupe. Plus grand succès de Wishbone Ash au Royaume-Uni. Troisième place des Charts et 169ème au Billboard (USA). Je paraphrase encore. Ce n'est ici que ce que notre bible Wikipédia nous apprend. Pourquoi en parler à présent, quelques quarante-six ans après ? Quelques millions de lignes derrière ? Eh bien, parce qu'avant de coucher ces lignes supplémentaires, je n'en ai eu cure des charts, de l'aura pressentie, ressentie, analysée ou de que sais-je encore. Et si vous me connaissez, vous saurez que je m'en tarte toujours encore tandis que j'écris. Je loue certes le bon sens des contemporains et des suivants qui ont su saluer pleinement l'illustre album de mille louanges mérités. Cet Argus... qu'il me semble avoir découvert bien avant mon âge, alors que c'était juste dans cet hier. Pur paradoxe émotionnel, tant son écoute et son appréciation me semblent aller de soi. J'en parle simplement parce que je l'aime. J'ai cette envie. Moi qui l'ai découvert dans mon alcôve, moi qui m'en suis émue, dans mon coin. Juste comme ça. Et parce que s'il y avait Un album pour tout dire, s'il n'y en avait qu'un seul à choisir, ce serait celui-ci et nul autre, qui à lui seul, condense tant d'essentiels. Tant de vérités. Tant d'instants. Tant de cendres. Comme un fait exprès. Avant que ça ne se passe. Avant que je ne le vive.

Anglais, et en rien flegmatique. Nous débutons sur les tendres arpèges de "Time Was". Un premier mot. Un premier constat. Ce « I've got to rearrange my world. I miss you, I need you », oui. Et trois minutes qui s'écoulent doucement, tendrement. Et sans faillir, passé ces trois petits instants, nous sommes soudain jetés dans un rythme bien chaloupé. Qu'on nous secoue les puces ! Mais bien volontiers, nous répond Wishbone Ash. Mais il ne se contentera même pas de ça ! "Time Was" nous offre au long cours de ressentir cet afflux veineux enjoué, mené notamment par cette superbe envolée de guitare. Prémices à bien d'autres, soulignons le d'avance. Faut que je me secoue. C'est clair. Il le faut. Poursuivons. "Sometimes in Times" brosse ensuite, et à elle seule, ce qui fait tout le charme de cette auguste composition. Les paroles pourraient se prêter à une profonde et triste mélancolie, les groupes de funeral doom ne se priveraient pas de nous flageller sur cette matière offerte, et quelque chose dans la musique pousse en effet véritablement la gorge à se nouer. Mais pourtant, Wishbone Ash se saisit de nous différemment, dans cette rythmique qui donne la chair de poule, dans cet élan qui  propulse, dans ces « lalala » enthousiasmants, que de fougue, que de pulsion pressante vers le « j'm'en fous, j'ai envie d'exploser et de tourbillonner », partant de paroles pourtant riches d'émotions amères, que peu d'entre nous n'ont pas déjà éprouvées. « Sometime world, pass me by again - Carry you, carry me, away ». Cette tension d'un instant. Une alchimie, inédite encore, un transport immédiat. Alors ce "Blowin' Free", alors ces accents introductifs d'une nonchalance toute arrogante. Un pur bonheur. Toujours cet engouement génial qui dépasse les paroles prononcées. Comme une leçon, plus que bienveillante. On pose un instant le propos, certes. La guitare répond, voix superbe, certes. Prenez conscience des faits et puis... secouez-vous bon sang ! On n'a de cesse de vous le dire !  Allez, laissez vous chambarder par cette frénésie, par ces rythmes balancés, par cette basse prenante qui vous saisit les hanches... Free, lâchez-vous, dans la dernière cavalcade qui clôt le titre en puissance, comme une folle lancée sur des rails et qui se moque de tout, et de vous.

Alors. Face B. Cette avancée progressive. Cette marche. Martiale. Et non martiale. Franche. Et barrée tout à la fois. "The King Will Come". Toujours cette guitare fantastique qui mène le propos, bien plus que les voix. Bien plus en avant. Véritable narratrice. Ronde, chaude, débridée. Fulgurante. Elle dit tout à elle seule. Vous emporte dans des songes progressifs de haute volée. Des mots pour la décrire ? Qu'en ai-je à faire. Écoutez seulement le manifeste ! Les voix la cueillent juste au passage pour nous ramener à l’intelligible. Juste ça. Écoutez – ou plutôt, réécoutez, car depuis le temps, vous connaissez l'affaire – et vous saisirez, mieux. Et alors. Alors... Ai-je besoin de vous énoncer ce qui compose le cœur de cette œuvre de Wishbone Ash ? Est-il besoin de nommer seulement celle qui s'élève à présent ? "Leaf and Stream" ? Simple comme son nom. Une feuille et un ruisseau. Elle et nulle autre. Une mélodie folk. Un murmure au crépuscule des pensées. Qui vient nous bercer entre deux rêves et que l'on se sent juste orgueilleux de contempler, encore, et encore, et encore. Sans jamais connaître de lassitude. Jamais. Trop brève est-elle seulement? Volée à l'instant? Peut-être. Ou peut-être pas.  Non. Finalement pas. Car elle laisse une empreinte unique et indélébile. Et il n'est point besoin de coucher les mots sur elle. En quelques instants, elle dit  l'essentiel et ce n'est que trop. "Warrior" ? Une bouffée d'air vrai. Une explosion de saveurs. Une conquête. Un réveil.  "Throw Down the Sword" ? Ni blanc, ni noir. Comme tout cet ensemble. Qui dit une chose, sur ce ton qui dément et acquiesce. Dans le même temps. Fataliste ? Jamais. Mais pas dépourvue d'émois. Certainement pas. Écoutez, écoutez ce duo qui s'élève. C'est épique. Comme tous les dialogues de valeur. Ça vole haut. Très haut. Comme jamais. Quant à "No Easy Road" présente sur la première reissue ? Un final à l'avenant. A l'appui d'un clavier piquant et dynamisant. Une ultime note qui vous réveille les sens. Vous bouscule. Pas facile la vie, n'est-ce pas ? Mais ça va aller ! Vous le savez. Et on vous pose la note, au cas où vous en douteriez.

Argus, c'est juste ça. C'est cette bouffée d'oxygène. Une ventoline quand vous manquez d'air. Une pression sur le plexus solaire. Argus est lumineux. Et ceux qui s'en saisissent le savent bien. Avec tout le bordel qui nous parcourt la tête, n'est-ce pas justice que de tout voir si superbement condensé, illustré et porté, avec tant d'amour, de joie et d'entrain ? Lisez ses mots. Écoutez ses sons. A nouveau. Ce que cet album connu, par trop familier, a encore et toujours à vous conter, à raviver et à nourrir. Et de vous dire, que ça ne date pas d'hier ? Oui. Ce sentiment est daté. De cette heure unique où vous l'avez ouvert la première fois. Si loin. Mais on peut s'en griser encore et encore, à cette heure présente. Il est toujours vivace. Ardent. Magnifique. (Tabris – Les Eternels).









TRACKLIST :

A1. Time Was
A2. Sometime World
A3. Blowin' Free

B1. The King Will Come
B2. Leaf And Stream
B3. Warrior
B4. Throw Down The Sword





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