Queen – Innuendo
Hollywood Records – D000436701 – LP, Album, Reissue
Hollywood Records – D000436701 – LP, Album, Reissue
US
Edition – 31/08/2009
Allusion Ironique, enfant
dernier-né de la longue dynastie, affublé d’un drôle de nom s’il en est, sonne
le glas de la monarchie trépidante du groupe Queen, au bout de vingt ans d’un
règne qui fut parfois chaotique et parfois glorieux. Le dernier couronnement a
lieu le 4 février, soit environ neuf mois avant la mort de Freddie Mercury, et
recevra les honneurs qui lui sont dus. Son règne sera à la fois grandiose et
marqué du sceau mélancolique de la maladie.
C’est avec ce contexte en
tête qu’il faut aborder Innuendo, œuvre qui retrouve un certain aspect baroque
et théâtral, jugez-en à la pochette, caractéristique à laquelle le groupe avait
un petit peu renoncé à l’aube des eighties. Cependant l’humour débridé des
premières œuvres laisse place à un voile de tristesse, palpable et poignant
tout le long de l’album. La guitare chatoyante retrouve sa place à la droite du
trône, tandis que les synthés se contenteront, dans une attitude pieuse et
sobre, d’y apposer un semblant d’ornementation luxueuse.
Ainsi, nous pénétrons dans
l’enceinte de l’album sur l’épique et solennel « Innuendo », qui rappelle le
ton du « Prophet’s Song » d’ANATO, le côté burlesque en moins, et un certain
accent zeppelinien. Le morceau est mené d’une main de maître, rythme pesant et
atmosphère crépusculaire, se remarquant également par un break à la guitare
flamenco, conduite par Steve Howe (Yes). Il s’agit là d’une des pièces
maîtresses de l’album.
On continuera ensuite notre
périple avec l’étrange « I’m Going Slightly Mad », un peu frappadingue, un peu
inquiétant (tout est dans le titre), mais qui demeurera assez secondaire.
Ensuite, trois titres, frappés de la griffe du hard-rock jalonnent le chemin de
l’album : « Headlong » tout d’abord, entraînant et qui laisse le soin aux
guitares de tisser une étoffe électrisante, puis un peu plus loin « Ride the
Wild Wind », où Freddie s’improvise crooner, sur un rythme enlevé, et enfin, «
The Hitman », violent et jouissif, qui montre que le groupe a encore des boyaux
en acier trempé (les guitares rugissantes sur l’intro !).
Dans une veine rock plus
joyeuse, on notera l’agréable « I Can’t Live With You », doucement groovy.
Ensuite, on s’arrêtera dans l’alcôve baignée de lumière sélène de « Don’t Try
So Hard », pour écouter religieusement cette complainte austère, tapissée par
le velours des synthés, et menée quasiment dans son intégralité en voix de
tête, avec brio, par Freddie. Dans le même esprit, mais sans claviers, on
retrouvera plus tard la ballade « These Are the Days of Our Lives », touchée
d’un esprit nostalgique et désenchanté.
Détonnant peut-être avec le
reste de l’album, on peut évoquer « All God’s People » et son empreinte gospel,
titre que je trouve personnellement un peu faible (il était à l’origine destiné
au projet de Freddie avec Montserrat Caballé, Barcelona, sous le nom d’« Africa
By Night »), ainsi que le morceau pop « Delilah », seul titre véritablement
amusant, puisqu’il s’agit d’une déclaration d’amour de Freddie à... son chat...
Mais cet éclectisme s’accorde finalement assez bien avec l’esprit baroque dont
se drape Innuendo et la facette d’hétéroclisme qui a toujours accompagné le
groupe. En cela, c’est justifié.
L’album entame ensuite la
dernière ligne droite avec « Bijou », sombre et solennel, presque sans parole,
posé dans un écrin de guitares scintillantes, qui nous met dans la disposition
d’esprit idoine pour entendre la dernière offrande, le célèbre et shakespearien
« The Show Must Go On », coup de maître final (bien que peut-être émoussé par
les innombrables passages radios depuis lors), où la prestation de Freddie
Mercury est vraiment inimitable et bouleversante, soutenue par l’équilibre
d’arrangements parfait, entre la dramaturgie ouatée des synthés, la hargne
électrique de la guitare, et la préciosité grandiloquente des choeurs.
Magnifique.
L’ombre de la mort qui plane
sur Innuendo donne une densité et une profondeur toute particulière à l’album,
qui s’organise comme un dernier tour de piste, un tour d’honneur avant le
tomber du rideau. Nous sommes loin des délires des débuts, mais finalement,
l’essence du groupe est toujours là, ce savant mélange de rock et de pop, servi
par une guitare inventive et jamais envahissante et la voix d’or du Dieu
Mercure. Le coup de dague funeste du destin sublime ici l’alchimie du groupe,
qui signe là son dernier chef-d’oeuvre.
La Reine est morte, vive la
Reine, comme on dit.
Il me faut terminer en
évoquant le legs posthume de sa Majesté : certaines des oeuvres qui seront
proposées après coup présenteront un certain intérêt (pensons à Made In Heaven
ou au Live à Wembley), mais on ne pourra nier que la mémoire de la Reine sera
entretenue par des marchands du temple ayant un redoutable sens du commerce et
du marketing... Pardonnez-moi cet « innuendo »...
Ici s’achèvent les
chroniques de la Reine, le chroniqueur royal pose enfin sa plume et vous
remercie de l’avoir lu jusqu’au bout. (Amerfogee -FP).
TRACKLIST :
A1 Innuendo
A2 I'm Going Slightly Mad
A3 Headlong
A4 I Can't Live With You
A5 Ride The Wild Wind
B1 All God's People
B2 These Are The Days Of Our
Lives
B3 Delilah
B4 Don't Try So Hard
B5 The Hitman
B6 Bijou
B7 The Show Must Go On
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