Supertramp – Breakfast In
America
Picture Disc – A&M Records – 0060075345489 – Europe 2013
Black Vinyl – A&M
Records – AMLK 63708 – Europe 1979
"Lorsque les
astrologues parlent d’alignement planétaire — une conjonction qui se produit
tous les 36 du mois — alors "The Number of the beast" en est
l’équivalent musical."
Ces mots sont de Bruce
Dickinson. Et là où n’importe quel rock critic aurait dit de façon plus
"terre à terre" qu’il s’agit-là d’un "Sgt Pepper" ou d’un
"Dark side of the moon", le chanteur d’Iron Maiden met l’accent sur
l’unicité du disque dont il parle en évoquant précisément ce phénomène
scientifique.
De là à établir un parallèle
entre Supertramp, Libby, sa serveuse aussi célèbre que la statue dont elle
imite la pose, et Eddie, la mascotte de la Vierge de fer, il n’y a qu’un pas…
que nous nous garderons évidemment de franchir. Pourtant, la même comparaison
est applicable à l’album studio que le groupe commence à travailler en ce mois
d’avril 1978, au Village Recorder à Los Angeles, et qui sortira en mars de
l’année suivante sous le nom de "Breakfast in America". Car voilà un
disque également connu du monde entier, considéré, plus à raison qu’à tort,
comme étant le meilleur d’une discographie plutôt riche, et dont quelque 22
millions de copies se sont écoulées à ce jour. Plus qu’une usine à tubes avec
pas moins de trois numéros 1 rien qu'en France ("Logical song",
"Goodbye stranger", "Take the long way home"), il s’agit
pour Richard Davies et Roger Hodgson d’un véritable pied de nez à la période de
disette commerciale du début de la décennie. Le groupe encaisse le jackpot et
les intérêts qui vont avec et ce, sans jamais n’avoir fait la moindre
concession aux modes.
En ce sens, ce sixième
effort studio (provisoirement baptisé… "Working title") s’inscrit
dans la lignée de ses prédécesseurs. On retrouve, en effet, les ingrédients
symphoniques de "Crime of the century" et "A soapbox opera"
dans "Take the long way home", le mysticisme de "Babaji"
dans "Lord is it mine" et lorsque le phénoménal "Child of
vision" lorgne vers "A fool’s overture", l’épique "Gone
Hollywood" ou encore "Just another nervous wreck" annoncent les
"Waiting so long", "Brother where you bound" et globalement
ce que fera Davies après le départ de Hodgson.
Sans être un concept album
au sens littéral du terme, "Breakfast in America" peut être perçu
comme un regard extérieur et presque innocent sur l’Amérique de la fin des
70’s. Hodgson expliquera avoir écrit le titre éponyme lorsqu’il avait 18 ans
alors qu’il n’avait encore jamais quitté le sol anglais. La pochette montre une
vue de New York depuis le hublot d’un avion. Une vision cartoonesque où la
statue de la Liberté serait une serveuse et la Grosse Pomme un assemblage de
vaisselle et autres couverts relatifs au premier repas de la journée. Comme une
métaphore pour désigner la facilité d’accès au rêve américain et ses travers,
même si le groupe s’en défendra à demi mots…
En profondeur, une autre
lecture lève le voile sur l’état des relations entre Rick Davies et Roger
Hodgson. Deux styles d’écriture, deux visions de la vie. La seule présence de
chansons comme "Oh darling" (love song gentillette bien qu’efficace)
et "Lord is it mine" (plus spirituelle) sur un même disque montre que
tout semble opposer les deux hommes qui ont pourtant traversé ensemble la
période de vaches maigres puis celle du succès sans trop de problèmes. Las, à
l’aube d’une nouvelle décennie, le compromis artistique est de plus en plus
difficile. Et si la rupture sera officialisée sur l’album suivant ("Famous
last words"), les germes sont bel et bien présents sur cet exercice dont
le nom de "Hello Stranger" avait également été évoqué. L’un et l’autre semblent, au fil des plages,
s’adresser des messages quasi prémonitoires : "I know that there’s a
reason why I need to be alone" (Hodgson dans "Lord is it mine"),
"It doesn’t matter what I say. You never listen anyway…" (Davies dans
le doux "Casual conversations") et le dialogue sous forme de
questions dans "Child of vision" ("How can you live in this way
? – Why do you think it’s so strange ? / You must have something to say ? –
Tell me why I should change ? ")
Musicalement, l’album donne
un sentiment de puissance (l’intro de "Child of vision" est un modèle
du genre) que l’on ne retrouvait pas sur "Even in the quietest
moments…" Et si les tubes et le son du Wurlitzer tiennent à merveille leur
rôle de vitrine, c’est bien l’ensemble des dix compositions qui en font un
album de légende.
La construction est précise,
réfléchie, fignolée comme une setlist. Une nouvelle fois, serait-on tenté de
dire… Mais sur ce plan précis, "Breakfast in America" surclasse les
autres travaux du quintette. On a beau connaître les moindres secondes par
cœur, les écoutes successives n’atténuent pas pour autant le plaisir. On
pourrait en conclure qu’il s’agit de l’album du métier mais ce serait lui ôter
une part de surprise et de fantaisie dont il regorge. Comment faire mieux après
ça ? Difficile pour ne pas dire impossible. Davies et Hodgson prendront sur eux
et trouveront la motivation nécessaire pour associer leurs idées une dernière
fois. Mais quel que soit le travail qui en ressortira, bon ou moins bon (mais
ce ne sera pas le cas), plus rien ne sera jamais comme avant. Goodbye stranger.
It’s been nice. Et bien plus que ça encore...
(Elliott – FP).
(Elliott – FP).
TRACKLIST :
A1. Gone Hollywood
A2. The Logical Song
A3. Goodbye Stranger
A4. Breakfast In America
A5. Oh Darling
B1. Take The Long Way Home
B2. Lord Is It Mine
B3. Just Another Nervous Wreck
B4. Casual Conversations
B5. Child Of Vision
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