S’il n’est pas le plus illustre des albums d’Elton John, Ice on Fire a l’avantage de contenir le merveilleux sirop « Nikita », qui inspira indirectement le film de Luc Besson, tout en féminisant odieusement aux yeux du public un prénom slave tout à fait masculin.
Des slows langoureux (« Cry To The Moon ») côtoient, comme d’habitude chez Elton John, des morceaux de jazz-rock particulièrement swinguants (« Wrap Her Up », « Tell Me What The Papers Say »). Un duo particulièrement explosif avec Millie Jackson (« Act of War ») n’est malheureusement pas présent dans toutes les éditions de l’album, dont la plus récente comprend une version live de « I’m still standing ».
Le chemin parcouru est long qui va des extravagances et mélopées décadentes à la brillante légitimité d’Avalon. Une décennie s’est écoulée qui a vu l’avènement de ces précurseurs et de leurs contemporains (Bowie, Sparks, Alice Cooper) maintenant à l’heure de la reconnaissance et de l’héritage distribué, retrouvé dans un spectre allant des gothiques Bauhaus, Cure aux romantiques électropop Depeche Mode, Simple Minds ou Japan. Chez ces derniers, David Sylvian semble le plus digne représentant de l’élégancebritish. Sous la férule de Rhett Daves et Bob Clearmountain aux Compass Point Studios de Nassau (Bahamas) et au Power Plant de New York, Roxy Music qui n’est plus que le trésor de Bryan Ferry, se refait un lifting à grands frais. Manzanera et Mackay, fidèles au poste, sont entourés de quelques pointures des studios (Neil Hubbard, Alan Spenner, Andy Newmark, Neil Jason, Jimmy Maelen et Fonzi Thornton) qui brident quelque peu leurs ardeurs. Leurs interventions paramétrées et domestiquées coulent au long de ces dix titres à la production lisse. De cet écrin sortent les tubes comme des perles :« More Than This », « Avalon » et « Take A Chance With Me »s’adaptent sans peine au format des radios FM, et « The Space Between » ou « While My Heart Is Still Beating » auraient tout aussi bien pu s’y soumettre. Inutile de chercher des références littéraires, cette fois maître Ferry délaisse le brainstorming pour l’évocation de quelques sentiments amoureux réels ou fictifs. Dix plages de pleine évanescence qui font rêver et rangent les Viva !, Manifesto et autreFlesh + Blood au statut de jolies ébauches. Ces petites touches de synthés pastel sur une rythmique implacable, cette voix sans effet enfin mise à nu, quelques chœurs ajustés sont toute la substance de ce voyage en terre mythologique. Le riche instrumental « India » nous transporte dans ce lieu ultime où Roxy Music atteint son Oméga de la sophistication extrême où le easy listening et la pop stylisée trouvent leur aboutissement. Prouesse d’efficacité, Avalon dévoile de superbes mélodies sous ce somptueux décor. C’est la fin du voyage – ou tout au moins d’une première vie – pour ce nom prestigieux qui à la fois cède sa place et montre la voie aux prétendants. (Loïc Picaud).
Pour apprécier
pleinement le deuxième album de Talk Talk, It's My Life, il faut réussir à
faire abstraction des trois monuments qui l'ont suivi. En effet, s'il fait pâle
figure face à la maîtrise de The Colour Of Spring, à la rage contenue de Spirit
Of Eden et à la sérénité de Laughing Stock, il n'en reste pas moins une belle
réussite. Car si The Party's Over laissait présager bien peu de choses tant il
était fade, il en va tout autrement de It's My Life. Ce dernier met clairement
en évidence les qualités qui ont fait de Talk Talk un groupe à part du genre
néo-romantique (un genre alors à son apogée) et de la musique pop en général.
Bien sûr, il y a le
chant de Mark Hollis. Même si sa voix unique, à la fois puissante et remplie de
mélancolie, ne peut pas plaire à tout le monde, nombreux sont ceux qui après y
avoir goûté en restent marqués à jamais. Mais si Mark Hollis est l'âme du groupe,
il peut également compter sur des partenaires de grand talent : Lee Harris,
dont le jeu de batterie subtil commence à émerger progressivement du traitement
électronique, et Paul Webb, avec ses lignes de basse à la fois mélodiques et
dansantes. Et il y a bien sûr Tim Friese-Greene, le quatrième membre «
officieux » du groupe, dont l'arrivée à titre de claviériste et de producteur
va peu à peu aider à propulser le groupe au-dessus de tous ses concurrents.
Pour Talk Talk, It's My
Life reste l'album de la consécration. Il contient la plupart des morceaux pop
qui ont fait la renommée du groupe : Dum Dum Girl, It's My Life et surtout Such
A Shame. Si les deux premiers évoluent dans un style typiquement new wave (Dum
Dum Girl ouvre l'album sur les chapeaux de roues grâce à sa basse sinueuse et à
son refrain extatique, tandis que It's My Life cloue d'auditeur par l'évidence
fulgurante de ses lignes vocales), le dernier marque déjà une évolution pour le
groupe : après une longue introduction aux percussions se déploient un couplet
acoustique et le refrain inoubliable. D'autres titres moins connus retiennent
également l'attention, comme le déchirant Tomorrow Started, sur lequel Mark
Hollis atteint des sommets d'émotion (aidé par la guitare de Robbie McIntosh,
qui fait d'ailleurs un travail remarquable tout au long du disque), ou le
puissant Call In The Night Boy, où l'on sent déjà tout le potentiel novateur du
groupe (qui ose placer un solo de piano presque free en plein milieu d'une
bombe pop).
Malgré tous ces éléments
encourageants, plusieurs défauts viennent mettre un bémol à ce qui aurait pu
être une grande réussite. Il y a d'abord ces titres plus anecdotiques (The Last
Time, Does Caroline Know? et surtout It's You), qui nous rappellent que le
groupe a encore du chemin à parcourir avant d'atteindre la perfection. Et il y
a surtout l'aspect encore résolument synthétique de la réalisation. Si cet
aspect n'entre pas vraiment en contradiction avec le contenu du disque (surtout
dans le cas des morceaux résolument pop; après tout, cela faisait partie des
codes de l'époque), il contribue tout de même à amoindrir l'impact global du
disque et à accentuer son côté parfois mécanique et daté.
Hollis et Friese-Greene
ont beau essayer de varier les arrangements et tenter de nouvelles choses
(comme l'utilisation de la trompette sur Renée et Tomorrow Started), le plus
souvent avec succès, ils ne réussiront à rendre leur musique intemporelle qu'à
partir de l'album suivant. Le constat est clair : avec cet album, les membres
de Talk Talk ont démontré qu'ils étaient capables de se hisser vers les
sommets. La suite confirmera que tout ce qui leur manquait, c'était
l'authenticité, la rigueur, et ce petit supplément d'âme qui est la marque des
grands.
Après une tournée éprouvante, Noir Désir se retrouve à nouveau dans une passe délicate. Les cordes vocales de Cantat surmenées, le bassiste Vidalenc exténué, l’avenir du groupe s’assombrit. Mais Noir Désir sait tirer profit de ses obstacles. Le nouveau bassiste Jean Paul Roy s’affirme dans le groupe par sa solidité et équilibre davantage la formation. Quant à Cantat, devenu aphone, il est opéré avant de suivre une rééducation qui mènera le chanteur à bouleverser sa technique vocale. La finesse de la voix et l’acuité des textes prennent le pas sur les vociférations omniprésentes de Tostaky. Au final, Noir Désir toujours sous la houlette de Ted Niceley, gagne en sérénité. Une quiétude affichée par le ciel bleu de la pochette toutefois contrastée par un nuage à l’apparence hexagonale. Car 666.667 Club met en lumière le caractère occidentaliste de la France et ses dérives inhérentes. 666.667 Club s’ouvre sur un titre instrumental agrémenté d’incantations vocales. Avec la première apparition du saxophoniste de jazz Akosh S., le titre introduit un nouveau visage du groupe. Un Noir Désir décomplexé des clichés rock et ouvert sur d’autres cultures. Suivent des morceaux politisés comme jamais. Ils dénoncent le Front National («Un jour en France»), ou la sur-consommation empêchant une réelle liberté individuelle («Fin de siècle»). Sur une musique funky, ils offrent une version du proverbe contemporain : le temps c’est de l’argent («L’homme pressé»), prophétisant ainsi la descente aux enfers de leur patron J2M. Complété par la référence au sous-commandant Marcos («A ton étoile»), ces titres confèrent à Noir Désir l’étiquette de groupe engagé qui ne les quittera plus. Et le public suit, séduit par ces pamphlets et des mélodies attrayantes qui feront de666.667 Club l’album des tubes et de la reconnaissance. Ils gagnent deux victoires de la musique : meilleur groupe et meilleur chanson avec «L’homme pressé» . Si le rock domine 666.667 Club («Comme elle vient», «Prayer for a wanker»), comme à son habitude, Noir Désir alternent chansons énergiques et chansons lentes. Des envoûtants«Lazy» et «Septembre, en attendant», aux joyaux lyriques«Ernestine» et «A la longue», Noir Désir dévoile toute sa sensibilité. Pour clôturer ce monument du rock français, une chanson caché rend hommage au leader du Gun Club, Jeffrey Lee Pierce, décédé pendant l’enregistrement de l’album. Les cordes convalescentes de Cantat s’appuient sur les cordes incandescentes de Teyssot-Gay pour un blues acoustique torturé à l’image de celui qui inspira la trajectoire de Noir Désir.
Un an après le succès de son premier album, Jeanne Mas revient en 1986 avec un deuxième opus : Femmes d’Aujourd’hui. Ce disque est emmené par le single, « En rouge et noir » qui est le plus gros succès de la carrière de la chanteuse. La chanson est classée numéro 1 au Top 50 et certifiée Disque d’or. Le deuxième single « L’Enfant » obtient la 3ème position au et reste classé 21 semaines.
En 1987, un troisième et dernier single sort : « Sauvez-moi ». Celui-ci se positionne également en 3e position du Top 50 et reste 18 semaines au classement. Tout comme pour le premier album, Jeanne Mas a collaboré avec Romano Musumarra, Piero Calabrese mais aussi Dominique Blanc Francard et Thierry Durbet. Elle a co-écrit la totalité des titres de l’album.
Vendu à 1 200 000 exemplaires, Femmes d’Aujourd’hui est la plus grosse vente de la carrière de Jeanne Mas. Il se classe numéro 1 des albums. La sortie de ce disque sera suivie d’une tournée.
Succès oblige, le début des années 80 voit Francis CABREL sortir des albums à la chaîne. Et à trop vouloir en faire, la qualité en pâtit, forcément. Car pour la première fois depuis de début de sa carrière, le ménestrel moustachu publie un album moins convaincant que son prédécesseur. Un an à peine après le très réussi Fragile CABREL, fidèle à lui-même, propose ainsi ce Carte Postale en demi-teinte.
Pourtant, tout débute pour le mieux avec le morceau donnant son titre à l'album. Ballade folk très mélodique et torturée, « Carte postale » montre un CABREL jouant sur la corde sensible de ses auditeurs qu'il ne tarde pas à convaincre, grâce à une guitare acoustique forte en émotions sur laquelle vient se greffer un éblouissant piano. Ce titre, comme une bonne partie de l'album, voit le moustachu partager ses états-d'âme à la suite de son emménagement dans le quartier de la Défense à Paris. La ville, CABREL ne parvient pas à s'y faire, et c'est avec une nostalgie certaine que le le bonhomme évoque métaphoriquement sa région natale et la désertification des campagnes. Mais ce mal-être parisien prend toute sa dimension sur la magnifique ballade « Répondez-moi », titre sur lequel CABREL, aidé simplement de sa guitare, lance un appel désespéré, ayant du mal à supporter la solitude et l'anonymat de villes :
« Je vis dans une maison, sans balcon, sans toiture, Y'a même pas d'abeille sur les pots de confiture, Même pas d'oiseaux, même pas la nature, C'est même pas une maison »
CABREL a besoin d'évasion, et aborde tour à tour tous les maux liés à la vie en ville, ces derniers étant exprimés sur les morceaux les plus convaincants de l'album : « Ma place dans le trafic » voit CABREL traiter de la routine abrutissante sur un air Folk/Rock agrémenté d'un superbe solo de guitare électrique, qui en fait sans doute une des plus belles réalisations du moustachu. « Chauffard », doté d'un riff Rock imparable, voit CABREL nous entraîner dans une course effrénée dans une voiture lancée à toute vitesse. Titre sans doute le plus énervé de l'artiste, « Chauffard » est aussi un titre rock extrêmement bien ficelé, à prendre comme un hommage aux rockers des années 60. Une belle réussite. Enfin, CABREL cristallise sont mal-être citadin sur l'intimiste « Je m'ennuie de chez moi », petite sucrerie folk peu originale mais constituant une fin d'album en tous points remarquable.
C'est lorsque CABREL décide de parler d'amour que les choses se gâtent. « Elle s'en va vivre ailleurs », ballade sucrée dotée d'un clavier envahissant et rappelant malheureusement le titre « Destinée » de Guy MARCHAND (sic!), très symptomatique de son époque, ne demande qu'à être rapidement oubliée. « Chandelle », ballade folk déjà entendue, entre par une oreille et ressort par l'autre, tout comme « Tu es toujours la même », dont l'indigente mélodie Folk/Rock et les chœurs « cheap » en font sans doute un des titres les plus inutiles de CABREL.
Pendant 40 minutes, CABREL alterne ainsi vraies réussites et titres superflus, faisant de Carte Postale l'album mettant un frein à l'ascension jusqu'alors ininterrompue de l'artiste. Toujours accompagné d'un succès commercial conséquent, cet album marque néanmoins le début d'une période artistique un peu plus creuse pour l'artiste, dont il aura du mal à sortir. Un album dispensable.
1980. C'est en cherchant qu'on trouve. L'auteur compositeur n'a plus grand chose à prouver. L'interprète tout ou presque. Et l'été 80 va remettre les pendules à l'heure, c'est qui le patron ? Le 3eme album de France Gall, sortit quasi simultanément squatte le haut des top 50 et La groupie du pianiste premier single extrait de Beausejour suit le même chemin. Impossible d'échapper au couple cette année là. Et ce coup d'éclat n'est pas une pépite perdue sur un album. Celui qui chante enfonce le clou, Quelques mots d'amour, Y a que l'amour qui vaille la peine en font à ce moment son album le plus consistant. Même les titres moins tubesques sont de bonnes factures, et s'il reste quelques faiblesses, (C'est difficile d'être un homme aussi) on le sent en pleine maîtrise de ses moyens. En prime cette année là, consécration ultime, Elton John le contacte pour enregistrer ensemble . Ce qui donnera deux hits de plus à la collection, Tout donner et Les aveux.