SOUNDGARDEN - SUPERUNKNOW (1994)
Jusqu'ici, Soundgarden était
un hair band intégré malencontreusement à la vague grunge de Seattle,
révolution oblige. Pourtant rien à voir avec le bruitisme bariolé des réels
activistes du mouvement. Au delà du métal, du grunge ou de tout autre exercice de
style auquel pourrait amener une étiquette, apparu cet album monumental.
Quoi qu'en disent les plus
sceptiques, le rock se sera frayé un nouveau passage, avec pour débrousailleuse
un Soundgarden possédé. Une heure et quart dans une jungle brûlante, on ne s'en
remet forcément jamais.
"Let Me Drown" est
un anaconda résolu à vous serrer dans ses anneaux pour débuter la descente aux
Enfers : on va vous digérer lentement.
"My Wave" rugit un
prémice power-pop -parfois Motown-, à la sauce disto. "Fell On Black Days"
hurle à la lune un blues faussement sage. "Mailman" est un pachyderme
inquiétant, dont on ne perçoit que le souffle lointain ...
A mesure qu'elle progresse,
cette arche de Noé à contre-emploi enfonce le clou du cercueil, enterre les
feu-metal de Matallica, feu-hard de AC/DC et feu-groupes phares des 70's &
80's, que nous ne reverront probablement que dans de risibles revivals, ou par
de médiocres fanatiques élitistes en mal d'un passé révolu (tout le monde à une
centaine d'exemples à citer).
Définitivement heavy (ce qui
définit le mieux le groupe), mais du point de vu 'phoenix novateur
sur-vitaminé', avec "Spoonman" pour plus féroce étendard : aviez-vous
déjà entendu pareille danse tribale auparavant ? Et depuis ? ... Il est clair
que ce territoire n'est pas en pente douce. Passant de la brume ambiante
("Limo Wreck" et "The Day I Tried To Live", tendus) au
félin rock'n'roll ("Kickstand"), et au piège farceur (l'arabisant
"Half", ambigu), rien n'est à jeter ici.
La guitare tranchante ou
désaccordée a depuis fait des petits chez pas mal de monde souhaitant prendre
du muscle (Deftones, au hasard ...). Certainement l'un des seuls disques où le
solo de guitare -aussi compliqué soit-il- ne se ressent pas comme excessif ou
comme passage obligé du déroulement d'un morceau. Mais comment peut-on
continuer à faire de la musique où la guitare ne fait que
sweep-tapping-masturbation de manche à longueur de temps ?! Mort de chez mort.
Si la basse est plus
discrète mais pas inoffensive (l'apocalyptique "4th Of July") ni
abrutie ("Head Down", délire boisé), la batterie est une véritable
flore grimpante sur tout ce qui s'écoute : judicieusement présente mais jamais
envahissante, sur tous les plans, au plus pertinent. Majestueusement lourde.
Le plus bel instrument étant
la voix rageuse et soul de Cornell, habité des pieds à la tête (à mille lieux
de ses performances singées dans Audioslave). Ici, le chant et d'une puissance
phénoménale, à en décupler le potentiel de frisson de chacun de ces 16 titres
déjà surhumains.
L'incontournable "Black
Hole Sun" (sombre réponse au "Heart Shaped Box" de Nirvana ?)
fut le guide éclaireur de cette bible épique sur une résurrection imaginaire du
rock. Une encyclopédie de riffs cagneux, au service du futur hypothétique d'un
grunge au sommet.
Superunknown marque au fer
rouge la fin d'une époque hallucinante du rock.
TRACKLIST :
A1. Let Me Drown
A2. My Wave
A3. Fell On Black Days
A4. Mailman
B1. Superunknown
B2. Head Down
B3. Black Hole Sun
C1. Spoonman
C2. Limo Wreck
C3. The Day I Tried To Live
C4. Kickstand
D1. Fresh Tendrils
D2. 4th Of July
D3. Half
D4. Like Suicide
D5. She Likes Surprises
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