Peter Gabriel – Peter Gabriel
Virgin – 206 929 – Reissue – Germany
– 1980
Après deux premiers albums
presque anecdotiques, Peter Gabriel passe enfin aux choses sérieuses. C'est à
partir de ce troisième album, plus communément appelé Melt, qu'il a découvert
son style, d'une grande noirceur, à l'opposé du rock gentil et convenu de son
précédent album. Inutile de chercher midi à quatorze heures, il s'agit de son
meilleur album solo, présentant probablement le visage le moins connu de Peter
Gabriel. Aucun des clichés commerciaux que l'on verra fleurir plus tard n'y est
présent, ce qui est bien entendu un des points positifs de l'album!
Les rythmes sont parfois
martiaux ("Intruder"), un peu comme pour la new-wave, sauf qu'il
s'agit d'une vraie batterie ici. La non-utilisation de cymbales, déroutante au
premier abord, ne fait que renforcer davantage le climat froid et malsain. Vu
l'atmosphère de l'album, rien d'étonnant à ce que Robert Fripp ait tenu à y
participer. Peter Gabriel n'utilise plus sa voix théâtrale et un peu fofolle
comme c'était encore le cas de ses deux premiers albums, son timbre est à
présent plus grave et profond, synonyme de sagesse et de maturité. Inutile de
s'attendre à du rock progressif dans sa définition habituelle, Peter Gabriel va
bien au-delà des barrières imposées par ce style, comme il l'avait fait cinq ans
auparavant sur The Lamb Lies Down On Broadway avec son ancien groupe, deux
albums modernes et novateurs donc.
Pour classer ce disque,
disons tout simplement que Peter Gabriel réinvente la facette sombre et obscure
du rock. L'album démarre fort avec un rythme répétitif et mécanique à la
batterie sur Intruder, des riffs flippants et heavy, un Gabriel qui alterne
murmures et vocalises aiguës, quelques synthés bizarroïdes, pour une ambiance
style "seul, dans la pénombre, perdu et enfermé en prison"!
"Intruder" est à l'image de la pochette, avec une facette
profondément humaine, touchante, symbolisée par la moitié du visage de Peter en
état normal, et une autre facette, complètement givrée, où on se demande
comment il a pu trouver des idées pareilles, et ceci est représenté par l'autre
moitié du visage, dégoulinante.
Bref, ce n'est pas un album
inécoutable, il faut juste de la patience pour comprendre pourquoi Peter
Gabriel cherche à brouiller un maximum de pistes. Plusieurs écoutes seront
nécessaires pour s'imprégner de l'esprit de cet album. Pour ma part, il m'a
fallu un certain temps, surtout quand on est habitué au Gabriel théâtral de
Genesis ou au Gabriel branché grande variété internationale. And "Through
The Wire" est le seul morceau orienté riffs à rappeler vaguement ce qu'il
faisait avant, en plus maîtrisé. On peut receler de ci de là quelques passages
qui ressembleraient presque à des singles potentiels comme les saxos présents
sur "Family Snapshot", contribuant à égayer l'atmosphère, les mélodies
accessibles d'un de ses plus beaux morceaux, "Not One Of Us", ou sa
première tentative vers la world-music sur "Biko". Il y a même
quelques refrains qui auraient presque pu être joyeux si ils avaient été placés
dans un autre contexte ("I Don't Remember", "Not One Of
Us"), on reconnaît de suite la touche Gabriel.
Mais tout cela est encore
trop froid, ce n'est que sur l'album suivant qu'il commencera à s'orienter
davantage vers des hits, tout en restant dans la lignée de cet album. D'autres
chansons, plus atmosphériques, permettent d'alterner le calme après la tempête,
ce qui est plutôt nécessaire pour le bon équilibre de l'album et lui apporter
un peu d'humanité : "No Self Control" (dont je préfère la version
live sur Plays Live, plus axée claviers et plus classique, elle est
complètement différente de celle proposée ici), "Games Without
Frontiers" (avec Kate Bush) ou "Lead a Normal Life". Peter
Gabriel justifie plus que jamais la nécessité de s'être lancé dans une carrière
solo, prouvant que la créativité dont il faisait preuve était incompatible avec
l'était d'esprit de ses anciens compères, recyclés dans les ballades
langoureuses. (Fishbowlman - Les
Eternels).
TRACKLIST :
A1. Intruder
A2. No Self Control
A3. Start
A4. I Don't Remember
A5. Family Snapshot
A6. And Through The
Wire
B1. Games Without
Frontiers
B2. Not One Of Us
B3. Lead A Normal
Life
B4. Biko
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