MUSE - BLACK HOLES AND REVELATIONS (2006)
Warner Bros U.S.A. 44284-1
Après trois albums qui l’ont propulsé au sommet, Muse peut s’enorgueillir d’avoir, sinon révolutionné le monde de la pop, au minimum chamboulé le vivier anglais de ces 10 dernières années avec ses apports classico lyriques uniques, capables de toucher en n’importe qui une corde sensible. Après un très médiocre Absolution, malgré le succès plus que jamais au rendez-vous, que pouvait-il advenir du trio britannique, sachant qu’il ne pouvait continuer à exploiter son filon de manière éternelle ? Et bien la réponse est dans la question. Avec Black Holes and Revelations, Muse prouve enfin qu’il est un groupe capable d’évoluer intelligemment. Avec un pareil statut et un public aussi vaste, la formation avait juste à réaliser qu’elle se trouvait dans une situation suffisamment rare pour pouvoir se permettre à peu près tout et n’importe quoi, y compris un album en forme de coup de pied dans la fourmilière, hautain, mégalo et presque insultant pour les fans de la première heure.
Ce que Muse a construit, Muse le détruit. Black Holes and Revelations voit l’explosion et la mort d’une identité forte, d’une personnalité hyper cohérente mais qui avec le temps (et Absolution) était devenu un carcan pénible et limitatif. Ce quatrième album est une libération absolue de l’âme bouillonnante de Bellamy, un feu d’artifice d’idées éparses et incongrues. Tout ce qu’il contient relègue les créations passées du groupe, aussi mégalo fussent-elles, au rang d’essais bridés et inachevés. Ce disque est une frasque d’un niveau accru, une odyssée grandguignolesque qui flirte avec le ridicule sans s’en cacher. Dès Take A Bow, Black Holes and Revelations s’envole dans un crescendo dantesque, construit sur des mélopées galopantes, des orgues prétentieux, et aboutissant à un vacarme électronique wagnérien. Avec Supermassive Black Hole, le single qui avant même la sortie de l’album déclencha polémique, on se rend bien compte de l’étendue de la folie qui régit la nouvelle personnalité de Muse. On nage en plein délire décomplexé, où Bellamy joue comme jamais les castrats sur fond de rythmique dancefloor kitschouille, avec chœurs équivoques. L’impression se confirme sur ce début de disque avec un Map Of The Problématique qui se paie le luxe d’une référence inattendue et sublime à la dance des 90’s dans sa manifestation la plus ringarde. Et de persévérer dans ses mélodies faciles et accrocheuses, Bellamy persiste et signe avec des lignes de chant assurées et des parties de piano très Dream House rappelant évidemment un certain Robert Miles.
Black Holes and Revelations se poursuit sans construction réelle, changeant de cheval à chaque titre, du chachacha d’A Soldier’s Poem, jusqu’à City Of Delusion, chargée d’arrangements décousus puisant dans des influences néoclassiques baroques, le folklore mexicain ou encore cette fameuse dance 90’s, en passant par la cavalcade rock’n’roll fracassante d’Assassin ou Hoodoo, ballade grandiloquente peu crédible.
Tout s’enchaîne follement avec une prétention sans pareille, et chaque titre se révèle tellement efficace, bien produit et travaillé qu’il reste, malgré l’incohérence certaine du disque, un plaisir presque immature, la simple manifestation de notre esprit à vibrer sur des mélodies et des arrangements magnifiques, peu importe le contexte d’où ils puissent sortir. C’est bien cela la force de Black Holes and Revelations, car à faire des références à tout va et des mélanges improbables, Muse trouve des émotions inattendues et ne conserve que l’essence d’une musique qui se veut efficace, en étant suffisamment hautain pour s’assurer une personnalité hors du commun. En témoigne le fabuleux dernier titre du disque, Knights Of Cydonia, qui sous sa forme d’hommage aux séries B des années 60 et au Desert Rock, sert un final rock’n’roll prodigieux, mélangeant un riff stoner charnu à une superposition magistrale de pistes de chant lyrique, et simulacre d’harmonica.
Si l’on connaissait un certain penchant de Bellamy et ses comparses pour la mégalomanie et la grandiloquence, Black Holes and Revelations va au-delà de tout ce que l’on aurait pu imaginer. Muse est fou, profite de son succès et se permet bien des choses, que l’on jugera ridicules, géniales, déraisonnées, incongrues ou astucieuses. Plus encore qu’auparavant, le groupe se positionne à l’avant-garde de la pop moderne, en lâchant une énergie qui symbolise ce qu’est la rock star moderne, celle qui est déconnectée des réalités, dans un succès étourdissant, où excès et démesures sont banalités affligeantes. Black Holes and Revelations atteint juste cette dimension comme rarement cela avait été le cas, et quel plaisir de pouvoir en profiter ! (Manulerider - Metalorgie).
TRACKLIST :
A1 | Take A Bow | |||
A2 | Starlight | |||
A3 | Supermassive Black Hole | |||
A4 | Map Of The Problematique | |||
A5 | Soldier's Poem | |||
A6 | Invincible | |||
B1 | Assassin | |||
B2 | Exo-Politics | |||
B3 | City Of Delusion | |||
B4 | Hoodoo | |||
B5 | Knights Of Cydonia |
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