MARILYN MANSON - ANTICHRIST
SUPERSTAR
Interscope Records B0017874-01 - Double LP Red -
Edition 2013
1996. Marilyn Manson lâche à
la face du monde Antichrist Superstar, véritable petite bombe nucléaire qui le
propulsera au rang de superstar, justement. Tout a été dit et écrit sur cet
album, tout le monde a son avis. Si vous ne le connaissez pas, ne perdez pas de
temps et foncez l’écouter pour votre culture musicale personnelle. À album
mythique, chronique spéciale et ambitieuse, un peu plus longue que la normale.
Mais il fallait au moins ça pour décortiquer Antichrist Superstar !
Antichrist Superstar est
sans nul doute l’un des albums à l’atmosphère la plus malsaine du rock, toutes
catégories confondues. Manson a réussi le défi de composer un métal à
l'inspiration indus à la fois glauque et directe, voire même groovy à l’image
du méga-hit "The Beautiful People". Plus encore : une musique qui
sait rassembler autour d’elle l’adolescent en pleine crise d’identité et
l’amateur de métal de longue date. Mais quand on y regarde de plus près, cet
album est la preuve incontestable que Marilyn Manson est bien plus intelligent
que le personnage torturé, provocant et maquillé que l’on veut nous vendre. En
effet, Antichrist Superstar est un véritable album-concept découpé en trois
cycles, dont les paroles obscures et controversées, emplies de symbolisme et
méticuleusement mises en scène, nous content la naissance et la mort de
l’Antéchrist dans l’Amérique puritaine bien pensante contemporaine. Pour
comprendre la musique de Antichrist Superstar et l’apprécier, il est essentiel
d’en comprendre son sens et sa signification.
Premier Cycle : The
Heirophant
Dans le jeu de Tarot, le
"Heirophant" est un prêtre qui prédit l’avenir. Le premier cycle
décrit la venue au monde de Brian Warner (Brian Warner est le vrai nom de
Manson) et les évènements qui vont le conduire à devenir Marilyn Manson, et
annonce l’arrivée future de l’Antéchrist. Cette mise au monde n'est pas sans
douleur : l'album débute ainsi avec un titre explosif, "Irresponsible Hate
Anthem", qui comporte l'un des meilleurs riffs de toute la carrière de
Manson. Le chant est hurlé, écorché comme jamais, comme seul Manson sait le
faire. Symbole intéressant à noter : sur le livret, il est indiqué que ce titre
a été enregistré en live le 14/02/1997, soit plusieurs mois après la sortie de
l’album. Durant ce cycle, c’est Brian Warner, l’homme haineux et apeuré, et non
pas Manson, la star, qui nous confie ses sentiments et sa vision du monde et de
l’Amérique en particulier ("The Beautiful People" avec sa rythmique
et ses claviers ô combien célèbres) sur une musique où, en fin de compte, c'est
le chant qui est le plus brutal et violent.
La chanson
"Tourniquet", s’ouvrant sur une phrase murmurée à l’envers « This is
my most vulnerable moment», est l’occasion pour lui de revenir sur l’avortement
qu’a subi sa petite-amie de l’époque peu avant le début de l’enregistrement de
l’album. La guitare est en retrait pour laisse placer à une basse plus présente
que jamais. L'atmosphère y est lourde et poisseuse. Manson n'arrivera plus
jamais à faire passer autant de sentiments que sur ce titre, où les couplets
sont chantés/murmurés et les refrains hurlés, tout en restant très mélodiques.
Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs suite à cet avortement que Manson
décide d’arrêter les drogues et les orgies pour réellement pouvoir se consacrer
à Antichrist Superstar. L’excès néfaste de drogues est d'ailleurs le thème de
"Dried Up, Tied and Dead to the World" (« I’ll be tomorrow, I’m
anything when I’m high »), titre étouffant et hypnotiseur, à l'image de ses samples
d'introduction et de son chant saturé.
Deuxième Cycle : Inauguration of the Worm
Manson fait référence tout
le long de cet album à la pensée du philosophe Nietzsche, à travers les
concepts de ver et de surhomme. Brian Warner, le ver nu et impuissant, va progressivement
se transformer sur fond de riffs violents et rapides, et de batterie
tonitruante ("Little Horn") pour finalement devenir Marilyn Manson,
l’ange déchu (« The angel has spread its wings, the time has come for bitter
things ») s'élevant lentement et sereinement, à l'instar du rythme de
"Cryptorchid". À partir de ce titre apparaissent les différentes voix
de Manson (l'enfant, le ver, l'ange, l'antéchrist, ...) que l'on entendra tout
le long de l'album. Le corps de l'ange est déformé, presque inhumain
("Deformography"). Le rythme s'accélère, l'atmosphère s'assombrit,
les riffs de guitare reprennent de plus belle à mesure que l'ange prend
conscience de son corps et de son pouvoir, avant de le crier au monde : « I'm
such a dirty rockstar ! ». Puis vient le succès et ses vices : l’ange devient
une rockstar plongée dans le péché ("Wormboy" avec sa batterie
martiale et son break surréaliste et malsain au possible), incomprise au milieu
des fans dont la vénération aveugle et irréfléchie les conduit à un comportement
bestial et destructeur ("Mister Superstar").
Puis arrive "Angel with
the Scabbed Wings" avec un des refrains les plus efficaces de l'album, au
rythme martial à souhait. Un cycle torturé et douloureux pour Manson la
Rockstar, où les gros riffs gras de guitares et la batterie se font bien plus
présents, au côté des différents types de chant de Manson (aigu et tranchant,
grave et menaçant) et des nombreux samples glauques, mettant hélas au second
plan basse et claviers. Le cycle se termine par "Kinderfeld" aux
paroles obscures sous forme de dialogue où Manson évoque le traumatisme qu’il a
vécu enfant lorsqu’il surprend son grand-père en train de se masturber dans la
cave en sous-vêtements féminins devant des scènes pornos choquantes avec pour
fond sonore un train électrique pour couvrir ses gémissements (« When he turns
the trains on… »). L'atmosphère est lourde, on y entend une flûte dissonante au
possible, la modulation de la voix de Manson est dérangeante tout comme la
montée en puissance de la fin du morceau, annonciatrice de l'arrivée du dernier
cycle.
Troisième Cycle :
Disintegrator Rising
Disintegrator est le nom que
Manson se donne au stade final de sa transformation. La réminiscence de son
traumatisme d’enfant est à l’origine de ce troisième et dernier cycle au début
duquel Manson la Rockstar devient le surhomme décrit par Nietszche, qu’il nomme
l’Antéchrist. Ton moralisateur, phrasé martial, guitare apocalyptique, claviers
impérieux, rythmique imparable : Manson est sûr de lui, serein, sa colère est
maîtrisée et il livre sur "Antichrist Superstar" son discours à une
foule déchaînée. Manson a maintenant le contrôle total de son existence, s’est
libéré de l’éducation bien pensante empreinte de religion qu’il a reçue dans sa
jeunesse et jette à la face de l’Amérique sa puissance dans le titre le plus
violent et brute de l'album : "1996". Le riff est simple, le chant
empli de violence, tout explose lors d'un refrain qui fera chanter des milliers
et des milliers de personnes lors des concerts. Mais accablé de douleurs et de
contradictions (« Anti song and anti me, I don’t deserve a chance to be »), il
finit par craquer sur "The Minute of Decay", avec son chant intimiste
et murmuré, sa basse hypnotisante et une guitare menaçante. L'atmosphère est
calme mais on sent que le répit est de courte durée et que tout peut chuter
dans une violence sans nom d'une minute à l'autre, ce qui arrivera au cours de
la chanson suivante.
Manson est devenu son propre
Dieu et s’est accompli musicalement et spirituellement ("The Reflecting
God", une des chansons aux paroles les plus obscures et controversées). Le
cycle se conclut par "Man That you Fear", chanson calme empreinte
d’une certaine sérénité, où est contée la mise à mort de l’Antéchrist par
l’Église Chrétienne sur fond de claviers calmes et mélodiques, de batterie
rebondissante. Le chant est intimiste, empreint d'une légère mélancolie. Un
accord silencieux accompagne Manson tout le long du chemin qui le mène à sa
perte inévitable. Le titre se termine sur de longs samples dissonants. Le
silence, enfin. Un long silence... Puis des voix métalliques (des anges ?)
viennent annoncer la renaissance de l’Antéchrist, sur fond de messages
subliminaux (« Join the satanic army » entre 1:11 et 1:15). Le cercle se
referme, les cycles peuvent recommencer.
Antichrist Superstar est un
chef d’œuvre de symbolisme, une œuvre profonde et intelligemment bâtie. Chacun
peut interpréter ses paroles obscures à sa façon, selon son vécu personnel et
ses souffrances. Cet album est né du chaos et dans la douleur, Manson y déverse
tout ce qu’il a sur le cœur, tout ce qui fait de lui ce qu’il est, toutes ses
peurs. Je vous invite à visionner les clips qui reproduisent à merveille
l'ambiance malsaine de l'album, mais également à lire la biographie de M.
Manson ainsi que les interprétations beaucoup plus poussées que l’on peut
trouver sur Internet. Vous n’en profiterez que plus grandement.
(Un grand merci a Dizayeure,
pour sa chronique sur les eternels).
TRACKLIST:
A1. Irresponsible
Hate Anthem
A2. The Beautiful
People
A3. Dried Up, Tied
And Dead To The World
A4. Tourniquet
B1. Little Horn
B2. Cryptorchid
B3. Deformography
B4. Wormboy
B5. Mister Superstar
C1. Angel With The
Scabbed Wings
C2. Kinderfeld
C3. Antichrist
Superstar
C4. 1996
D1. Minute Of Decay
D2. The Reflecting
God
D3. Man That You Fear
D4. Untitled
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