LED ZEPPELIN - PHYSICAL GRAFFITI
(1975)
Swan Song - SSK 89 400 - (Germany)
L’auteur de cette chronique
tient à préciser qu’il est raide dingue du disque en question. S’il devait
partir en exil sur une île déserte avec seulement une poignée de disques pour
subsister, l’auteur emmènerait sans aucune hésitation la présente œuvre. C’est
vous dire à quel point il est objectif sur la question. Il vous prie donc par
avance de bien vouloir l’excuser pour les éventuelles envolées et autres
exagérations dont il a le secret. Mais bon, vous savez ce que c’est, parfois
plus que la raison c’est le cœur qui parle.
Eté 1993.
Des lunettes, de l’acné, un
appareil dentaire, des poils qui poussent de partout et assez d’hormones pour
avoir envi d’enculer un éléphant. Tout fait chier, rien ne va, j’ai la rage, ma
vie est nulle et je déteste tout le monde. Sauf mes groupes chéris et mon
meilleur pote chez qui je squatte autant que possible.
Je connais tous mes albums
par cœur, j’en ai usé les bobines de ma montagne de K7 enregistrées, j’ai
épuisé les discothèques de tous mes potes et saoulé à peu près tout le monde
sur tout ce qui pourrait s’apparenter plus ou moins à la sphère Hard Rock.
Bref, je suis en manque de « chair fraiche ». Tel un camé sans sa dose, j’en
suis réduit à fouiner dans la collection de vinyles du père de mon pote. Un
ancien Rasta, collectionneur de tout ce qui a plus ou moins effleuré les
seventies. Doit bien y avoir un truc la dedans qui pourrait me faire tenir un
peu…
Puis je tombe sur « ça ». Le
titre de l’album ne me saute pas de suite aux yeux. Tiens ? Un album de LED
ZEPPELIN ? J’expose mon immense savoir à mon pote qui s’en fout royal :
« Je connais bien LED
ZEPPELIN. C’est un vieux groupe de Hard à peu près culte. C’est eux qu’on fait
« Stairway to Heaven ». C’est pas mal, un peu mou du genou, mais c’est de la
bonne musique… (Un temps) En tout cas, cette pochette m’intrigue… »
Je sors le vinyle de sa
pochette sous les yeux inquiets de mon pote.
« Putain, fais gaffe, mon
père va me tuer si tu l’abimes »
« T’inquiètes. Et arrêtes de
flipper, tu me rends nerveux »
C’est vrai qu’il me rend
nerveux ce con. J’en tremble légèrement quand je place la chose sur le
tourne-disque du paternel. Du coup, le diamant saute directement à la plage 2
et « Custard Pie » résonne dans le salon.
Il arrive parfois qu’une
musique vous happe littéralement. Sans raison rationnelle, vous donnant
l’impression que chaque note fait partie intégrante de votre être depuis
toujours. LED ZEPPELIN m’aspire complètement dès la première seconde, le sol se
dérobe sous mes pieds tandis que la batterie de Bonzo soulève mon cœur à chaque
martèlement. PAGE déboule et je frissonne. La voix de PLANT résonne et je me
pisse dessus pour de bon.
« Eh oh !!! Ca va pas ? Tu
te sens bien ? »
« Un peu que ça va. Ca va
super bien même… (Un temps) Tu crois que ton père me prêterait ce vinyle ? »
« AH AH AH AH Tu rêves !!! »
Mieux vaut s’adresser
directement au bon Dieu qu’à ses saints. Je prends le vinyle sous le bras et je
file voir le paternel.
« C’est un très bel objet
que t’as sous le bras. J’ai fait tout l’été 1977 en Guadeloupe avec ce disque.
Faut pas l’abimer, tu comprends. Ça nécessite du bon matos avec un bon diamant
et je suis à peu près sûr que ta platine va me le flinguer. Donc non, je regrette,
tu l’embarques pas. »
Enfoiré, va.
« Par contre, ce qu’on peut
faire, c’est que tu l’enregistres avec ma chaîne sur une K7 vierge comme ça je
suis à peu près sûr que tu vas pas me le flinguer. Il doit rester des BASF
Chrome 90 à coté de la chaîne. »
Sympa, finalement le vieux.
Je file ventre à terre
jusqu’au salon, je sens presque le vinyle battre contre mon cœur. A moins que
ce ne soit l’inverse.
Ce coup-ci je fais gaffe à
bien caler le disque pour l’enregistrement et « The Rover » résonne dans la
pièce. Je m’assois en tailleur et médite sur chaque note dans un silence
religieux. Le tournoiement de la bobine qui enregistre m’hypnotise, c’est à
peine si j’entends mon pote hurler :
« Eh oh !!! Tu vas pas
rester toute l’après midi à vérifier que ça enregistre bien ? »
« Je vérifie que dalle, je
médite »
Il soupire et se casse.
Une fois l’enregistrement
terminé, je rentre chez moi m’enfermer pour déguster encore et encore cet album
fou, intense, magnifique, dément. Sur ma bécane de compétition (un 386 DX 33 4
Mo de RAM attention) avec Civilization en 256 couleurs, ce sera un bel été. Les
journaux de l’époque n’en ont pas parlé, mais l’Emperor Canard a conquis le
monde avec les Zimbabwéens à 333 %. Les américains ont été réduits en esclavage
sur fond de « Kashmir » et on a botté le cul des germains en vibrant sur « Ten
Years Gone ».
(…)
15 ans ont passé, LED
ZEPPELIN est toujours magique et cet album, en particulier, absolument
inusable. De la race des « grands » albums, intemporel et divin, de ceux qui
traversent le temps, font fi des modes pour venir s’inscrire naturellement au
panthéon du Rock.
Comme pour toutes les
légendes, l’histoire commence mal : un accouchement dans la douleur, un groupe
à bout de souffle, au bord de l’implosion et un drame qui se profile à
l’horizon. Comme pour asseoir un peu plus son ascendance divine et ce décorum «
Shakespearien », Physical sera le dernier véritable album de LED ZEPPELIN. Sans
doute leur meilleur.
Le meilleur album du plus
grand groupe de Hard Rock de tous les temps.
Vous voyez l’enjeu ? Dire
que tout cela s’est passé entre 1974 et 1975 et que depuis aucun groupe n’a
fait mieux… Ca en dit long sur la décrépitude du Hard Rock, non ?
Lancé dans sa quête du titre
« parfait », LED ZEP égraine les perles de toutes sortes et frôle les cieux. Au
sein de cet album « patchwork », l’épique côtoie le mystique tandis que les
délicatesses Folk rebondissent sur un Heavy d’antan. Sans le savoir, alors
qu’il était question à l’origine de « fillers » et d’album de crise, le ZEP se
résume et expose tout l’étendue de son talent à travers un double album aux
facettes innombrables.
Devant cet amoncellement de
merveilles, il serait fastidieux de tout énumérer, de tout vouloir dire et de
résoudre les jeux de piste. Entre le maudit « In my Time of Dying » et ses 11
minutes de défouloir « Bonzoienne », le fascinant « In the Light » (le «
Stairway 2 » secret du groupe) ou encore le magnifique « Ten Years Gone » dont
la mélancolie acoustique continue de me hanter encore aujourd’hui… Il y a
matière à s’extasier et à se répandre abondamment. Indéfiniment. Inlassablement.
Cet effet « patchwork » fait
plus que résumer les choses, il transcende l’album tant musicalement que
spirituellement et apporte un nouvel éclairage sur le dirigeable. Chaque titre
de cette œuvre glisse doucement comme une pièce d’un immense puzzle. De «
Private Jokes » à la crise mystique en passant par le coup de gueule et tout un
tas d’états d’âmes, LED ZEPPELIN multiplie les registres et brosse un
autoportrait fascinant, une synthèse de son œuvre aux connotations tantôt
bluesy, tantôt folk sans jamais se départir de ce « groove » incroyable qui
rend son « Rock dur » si facile.
De ce papillonnage
électrique, on pourrait craindre la dispersion et les disparités. Il en ressort
un bloc à la cohérence absolue, impressionnant et surtout désarçonnant, peu
habitués que nous sommes à voir un tel amoncellement, une telle densité de
trésors nous tomber au coin des oreilles. Pour parfaire la force de cet album,
il fallait bien entendu un « son ». Les mois de studio et de tergiversations
techniques ont porté leurs fruits pour un rendu à la fois rocailleux, explosif,
lourd et précis, rendant honneur au moindre riff pour que le résultat soit
conforme à la légende. Et que celle-ci rattrape le mythe.
Le mythe, parlons-en.
Kashmir, le titre que tous groupes rêvent de faire un jour : unique et magique.
Un riff universel et une envie de fusionner l’Orient et le Rock dans un grand
tout cosmique. Ce pont si lumineux, s’il nous rappelle le goût du ZEP pour
l’ésotérisme, témoigne surtout d’une inspiration et d’une force incroyables. A
propos de la batterie et du rythme si particulier de Kashmir, PAGE expliquera :
« Ce que fait Bonzo sur « Kashmir » est absolument fantastique et, surtout, ce
qui est le plus génial, c’est ce qu’il ne joue pas, c’est ce qu’il ne fait pas.
Mais il fait tourner ce titre… ». Lorsque gamin, j’ai lu cette phrase dans une
encyclopédie du Rock, assis en tailleur sur mon lit, méditant sur cette phrase
mystérieuse, j’ai écouté en le morceau boucle pendant des heures tentant à
chaque « Repeat » de percer cette énigme avec mes modestes moyens
intellectuels. Faute de compréhension, je me délectais de ce « beat » dingue,
hypnotisant, ensorcelant. Ce n’est que bien des années plus tard que le puzzle
« Graffiti » prit tout son sens. Que cette phrase de PAGE se révéla
lumineusement au détour d’un bang dantesque.
Bien entendu, l’album – lui
- est resté toujours aussi énorme. Et il le restera.
(Metal Nightfall-CanardWC).
TRACKLIST:
A1 Custard Pie
A2 The Rover
A3 In My Time Of Dying
B1 Houses Of The Holy
B2 Trampled Under Foot
B3 Kashmir
C1 In The Light
C2 Bron-Yr-Aur
C3 Down By The Seaside
C4 Ten Years Gone
D1 Night Flight
D2 The Wanton Song
D3 Boogie With Stu
D4 Black Country Woman
D5 Sick Again
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