KORN - UNTOUCHABLES (2002)
Music On Vinyl – MOVLP1165, 2 LP, Album, Limited,
Numbered, Bronze (Europe)
Un des disques les plus
chers de la création, une technique d'enregistrement high-tech permettant un
travail inédit sur les fréquences, une évolution artistique franche et assumée,
un succès critique quasi-unanime... et un flop commercial. Bienvenue dans le
monde d'Untouchables, l'album qui a plu aux chroniqueurs mais pas aux fans,
l'album par lequel la pop est arrivée, bref l'album qui fâche. Nous sommes
aujourd'hui en 2007 : Untitled vient de sortir et il représente la plus grosse
évolution de Korn à ce jour. Revenir sur le cas Untouchables semble impératif :
cet album était-il aussi à part qu'il semblait à l'époque? Parce qu'en dehors
du fait que chroniquer les albums qui fâchent est le péché mignon de votre
serviteur, une chronique avec une problématique c'est tout de suite plus
rigolo.
A posteriori, face au
dernier bébé en date, Untouchables semble bien timide. Les guitares sont
toujours présentes et on trouve encore pas mal de compos basées sur des riffs.
L'opener écrasant "Here To Stay" en fait évidemment partie, mais pas
seulement : "Embrace" est une bonne boucherie qui rappelle
franchementFollow The Leader, "Bottled Up Inside" aurait pu figurer
sans problème sur un des deux albums précédents du groupe, et même les
arabesques guitaristiques des couplets de "One More Time" ne sont que
la continuation des ambiances introspectives du chef-d'oeuvre Issues. Ce n'est
pas dans ces moments-là qu'il faut chercher l'innovation qui a tant déplu au
public traditionnel du groupe... même si le ver est déjà dans le fruit. Il y a
ce son qui a déjà viré au synthétique, ces bruitages multiples insérés en
couches subtiles au milieu des grosses guitares, cette tendance de Davis à
systématiquement se doubler lui-même... en fait même les titres qui renvoient
au Korn traditionnel sont déjà modifiés, mais juste un peu, en filligrane.
Prenons "Thoughtless" : riff écrasant, check. Ligne de chant
technique à la Issues, check. Refrain en progression d'accords complètement
pop, WTF?! Et voilà...
Au milieu de ces titres
faussement traditionnels se trouvent ceux qui versent franchement du côté de la
nouveauté, ceux qui ont énervé la frange dure du public pour qui on se vend dès
qu'on arrête du faire du bourrin. Et là, Untouchables prend toute sa dimension
: "Make Believe" et son couplet totalement tordu, où on ne sait pas
ce qui est le plus zarbi entre la ligne de chant alambiquée de Davis (wow, au
passage) et le son des guitares. Head et Munky, éternels explorateurs des
effets les plus chelous possibles, se sont surpassés sur cet album : écoutez
"Hating", les passages calmes de "I'm Hiding" ou encore les
différents ponts de "Alone I Break", c'est un festival. En parlant de
ce dernier titre, c'est typiquement le genre de fâcherie évoquée plus haut :
les couplets sont calmes voire ambient, la seule agressivité vient du chant de
Davis, et ce refrain, Seigneur... c'est de la pop-rock pure! Et de la pop-rock
de premier ordre qui plus est : arrangements bluffants, ligne de chant
inoubliable, c'est tout sauf du Life Is Peachy mais c'est excellent. Le break
electro de cette compo ainsi que les couplets paisibles de "Hollow
Life" confirment la formule magique d'Untouchables : on garde les
instruments de base et on fait autre chose avec.
Effets sur les guitares à
donf, batterie triggée pour faire boîte à rythmes, chant dédoublé... il y a en
fait peu de machines à proprement parler sur Untouchables. C'est là toute la
différence avec Untitled : en n'osant pas franchir le pas, Korn a accouché d'un
album hybride qui ne laisse pas l'auditeur être sûr de quoi que ce soit. On ne
peut rien voir venir : après les explorations mélodiques de tel titre on se
mange un riff sorti de je ne sais où, et quand au contraire on pense avoir
affaire à un titre rentre-dedans un break electro vient foutre nos repères en
l'air. Et c'est du bonheur : pour l'amateur de musique non-linéaire,
Untouchables est du miel. Même "Here To Stay" - la
moissoneuse-batteuse de l'album – réserve en son centre un pont calme et
hypnotique qui déboule sur un riff à décorner les boeufs. "Wake Up
Hate" semble être une compo bébête d'efficacité pure, mais se révèle
complètement bizarre et décousue au final. Et pour couronner le tout, la seule
chanson quasi-linéaire de l'album se révèle être un chef-d'oeuvre : "No
One's There" est un titre de fin d'album absolument parfait, dont la
simplicité apparente révèle un sens de la mélodie et un lyrisme (cette montée
finale!) qui collent la chair de poule. Carton plein.
Untouchables n'est donc pas
une vraie rupture : ce n'est qu'une immense expérimentation qui a vu un groupe
de très bons compositeurs tenter de fusionner tout ce qu'ils savaient faire
d'un côté en explorant timidement de nouvelles voies de l'autre. Et le résultat
est dantesque : Untouchables est l'album le plus foncièrement imprévisible du quintet,
enchaînant avec brio la violence et la douceur, le simple et le compliqué, le
catchy et l'alambiqué. Pour cette raison précise cet album ne plaira peut-être
jamais à la majorité des fans, mais il n'est pas prêt de cesser d'être aimé par
les critiques... qui assument d'ailleurs complètement. Yummy!
(Cosmic Camel Clash - Les Eternels).
TRACKLIST:
A1. Here To Stay
A2. Make Believe
A3. Blame
A4. Hollow Life
B1. Bottled Up Inside
B2. Thoughtless
B3. Hating
C1. One More Time
C2. Alone I Break
C3. Embrace
C4. Beat It Upright
D1. Wake Up Hate
D2. I'm Hiding
D3. No One's There
album un peu polémique peut être .. mais du KORN, qu'ils savent redonner en live aux puristes !
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