jeudi 29 mai 2014

Theatre Of Tragedy



THEATRE OF TRAGEDY - THEATRE OF TRAGEDY (1995)
Massacre Records
 ‎- MASS LP0798 - (Germany)
La Norvège est réputée pour ses fjords et pour ses sulfureux groupes de black metal. Mais il n'y a pas que ça: un groupe de Stavanger, la quatrième ville du pays, va marquer l’avènement d'une scène gothique importante et de qualité dans ce pays. Theatre Of Tragedy est ce groupe. Ces passionnés de théâtre classique et de musique gothique présentent une musique extrêmement originale, surtout pour l'époque. Jusqu'alors, les chants féminins dans le metal étaient n'étaient pas monnaie courante, le milieu étant assez machiste. Theatre Of Tragedy évolue dans un registre doom/death et a la particularité d'avoir un chant masculin et un chant féminin. Et le résultat est fantastique. C'est le principe de la Belle et la Bête: les grognement death bestiaux de Raymond Rohonyi contrastent merveilleusement avec la voix douce et cristalline de Liv Kristine. Emotionnellement, c'est carrément trippant! D'autant plus que les chansons sont composées soit comme un poème, soit comme une petite pièce de theatre, de sorte que les deux vocalistes se répondent l'un l'autre. La musique de fond est romantique à souhait, avec des passages au piano ou à la harpe de toute beauté, accompagnant des guitares doom lentes et lourdes. Et ça fait que le contraste existe donc aussi au plan instrumental. Autre particularité du groupe, la langue employée: c'est la véritable langue de Shakespeare, c'est à dire l'anglais du XVIIe siècle! Et avec toujours des références au théâtre!
Les chansons sont dans l'ensemble très belles. "A Hamlet for a slothful vassal" ouvre l'album de manière majestueuse. Et "For these words I beheld no tongue" est, d'une certaine manière, l'une des chansons les plus représentatives du style de Theatre Of Tragedy: Liv Kristine posant sa voix enchanteresse sur des passages atmosphériques merveilleusement arrangés, et Raymond faisant des chants rauques sur les passages accélérés (enfin, façon de parler, c'est au plus mid tempo!) ou les plus lourds. Une chanson "...a distance there is...", est une véritable ballade au piano, très belle, entièrement chantée par Liv Kristine. Seul le dernier morceau, "Monotonë" porte bien son titre est inintéressant. Tout le reste est dans l'ensemble excellent.
Quant au son, pas de problème. L'album a été produit par Dan Swanö au studio Unisound, donc un gage de qualité. L'ensemble est puissant et tous les arrangements sont mis en exergue. Tout est fait de manière à ce que les contrastes ressortent.

La pochette est superbe elle aussi, avec la rose rouge. Cette fleur sera d'ailleurs toujours le symbole du groupe: une rose rouge figurera toujours, d'une manière ou d'une autre, sur toutes les pochettes de Theatre Of Tragedy.

Mélangeant le chaud et le froid, la puissance et la délicatesse, Theatre Of Tragedy affirme d'entrée une très forte identité, ce qui est assez rare pour un premier album. Le septuor norvégien va vite devenir une référence et faire de nombreuses émules dans le genre, tels Tristania, Trail Of Tears, ou Within Temptation. C'est un grand album, qui a une force émotionnelle énorme. C'est beau, tout simplement! (Pierre, Nightfall in Metal Earth).



TRACKLIST:


A1A Hamlet For A Slothful Vassal4:05
A2Cheerful Dirge5:02
A3To These Words I Beheld No Tongue5:06
B1Hollow-Hearted, Heart-Departed4:57
B2...A Distance There Is...8:51
C1Sweet Art Thou3:58
C2Mïre4:08
C3Dying - I Only Feel Apathy5:08
C4Monotonë3:10
D1A Song By The Hearth? (Demo1994)5:06
D2A Hamlet For A Slothful Vassal (Demo1994)4:22
D3Dying - I Only Feel Apathy (Demo1994)5:47
D4Soliloquy (Demo1994)2:51






mercredi 21 mai 2014

Visage - The anvil



VISAGE - THE ANVIL (1982)
Polydor - POLD 5050 - (United Kingdom)

'The Anvil' constitue pour moi le zénith de la carrière de Visage bien qu'en terme de succès, il soit souvent effacé dans l'ombre écrasante de son pourtant maladroit prédécesseur. Va pour le business mais musicalement, il n'y pas photo, le combo de Steve Strange a franchi un cap. Exit les résidus d'influences glam à la Bowie, les sonorités se sont faite plus synthétiques encore, les beats secs, les atmosphères plus sombres (écoutez la guitare de 'Move up'), voir plus froides (le frappé presque martial de 'The Anvil'). Ce disque, à mon avis' est à l'image de sa pochette, strict, classieux, légèrement inquiétant, nocturne. Il n'inclut pas de hit aussi marquant que 'Fade to grey' ou 'Mind of a toy' mais les singles qui en seront extraits, 'The Dammned don't cry' et surtout 'The Anvil (night club school)' du nom d'une boîte gay new-yorkaise (d'où un petit scandale à sa sortie) sont d'une efficacité redoutable. J'ajouterais également 'Move up' qui dégage le même feeling froid et dansant que 'The Anvil'; plus coulant de par sa rythmique faussement disco, 'The horseman' a quelque chose de Soft Cell mais en moins dépouillé, les mélodies de clavier et la guitare complétant l'atmosphère. J'aime aussi 'Again we love' et éventuellement 'Look what they've done to me' qui dégagent ce potentiel new wave mélodique et légèrement sulfureux tel qu'on le retrouvera chez Ultravox. Le reste est plus anecdotique, encore que 'Whispers' ait une touche plus expérimentale telle qu'on la trouve sur les deux premiers Human League, ce qui est loin d'être désagréable. De manière générale, cet album est bien plus mature et équilibré que son prédécesseur. Il constitue le point d'orgue de Visage qui verra peu après les départs de Midge Ure, Bill Currie partis fonder Ultravox...Du coup, le troisième opus, 'Beat boy', peinera à retrouver cette magie, ce qui guidera Steve Strange vers le chemin des maisons de repos avant un improbable come-back récemment. S'il ne devait en rester qu'un, ce serait celui-ci. (Guts Of Darkness).


TRACKLIST:


A1The Damned Don't Cry
A2Anvil (Night Club School)
A3Move Up
A4Night Train
B1The Horseman
B2Look What They've Done
B3Again We Love
B4Wild Life
B5Whispers





Cyndi Lauper - She's So Unusual





CYNDI LAUPER - SHE'S SO UNUSUAL (1983)
Epic ‎- 25792 - (Europe)


Avec sa pochette ornée d’une Cyndi Lauper électrique et déjantée, She’s So Unusual  fleure bon les années 1980, mais la musique résiste vaillamment à l’épreuve du temps.

Les dix titres composant l’album sont d’une qualité transcendant largement leur côté un peu daté : si, par exemple, l’instrumental de« Yeah Yeah » a un peu vieilli, le morceau n’en reste pas moins plaisant. Mais c’est surtout grâce aux anthologiques « Girls Just Want to Have Fun », « Time After Time »  - un thème qui sera utilisé par Miles Davis ! - et « She Bop » que l’album domine les modes de la tête et des épaules pour constituer un authentique plaisir musical.

Les interprétations de Cyndi Lauper ont même moins vieilli que celle de sa rivale Madonna, au point que l’on en vient à considérer son éclipse comme très injuste. (Nikita Malliarakis).



TRACKLIST:

A1Money Changes Everything5:02
A2Girls Just Want To Have Fun3:55
A3When You Were Mine5:07
A4Time After Time3:59
B1She Bop3:43
B2All Through The Night4:29
B3Witness3:38
B4I'll Kiss You4:05
B5He's So Unusual0:45
B6Yeah Yeah3:17





mardi 20 mai 2014

Electric Light Orchestra - Discovery




ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA - DISCOVERY (1979)
Jet Records ‎ - JET LX 500 - (Europe)


Il arrive toujours un moment où un groupe cesse d’innover et se met à appliquer album après album la même formule. La créativité s'étiole, et c’est le début du grand recyclage. BOWIE, PRINCE, RADIOHEAD… Personne n’y échappe, y compris des artistes pétris d’inventivité et réputés pour leur versatilité musicale. Sans parler de ceux qui, comme OASIS, avaient déjà absolument tout dit au bout d’un ou deux disques. C’est d’ailleurs assez inévitable, quand on y pense : il y a tout simplement des limites à la capacité d’un individu à produire sans cesse de nouvelles idées, de nouvelles mélodies, à se remettre en cause en digérant de nouvelles influences ou en évoluant. C’est notamment le cas après un gros succès, lorsqu’il est tentant d’appliquer sans prendre de risques la recette gagnante et de réécrire dès lors à la chaîne les mêmes chansons sous des formes à peine différente.

Avec Discovery, Jeff Lynne et ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA atteignent très précisément la frontière qui sépare l’innovation de la répétition ad nauseam de la même musique. Tout, ici, du début à la fin, a déjà été entendu sur les disques précédents du groupe. La seule évolution – mais il s’agit d’un changement très anodin – est l’incorporation éhontée d’influences disco qui donnent un aspect archi-commercial à la plupart des chansons. Roublard, Lynne a pris la décision non seulement de s’en tenir aveuglément à la formule qui a fait le succès d’Out of the Blue, mais il simplifie à outrance ses compositions et les adapte à l’air du temps, histoire d’être sûr de les voir grimper vaillamment, comme des bons petits soldats, au plus haut sommet des charts. Les anglo-saxons ont d’ailleurs un mot pour décrire ça : avec cet album, ELO devient « formulaic », c'est-à-dire prévisible et enfermé dans son propre style.

Ce qui sauve néanmoins le groupe d’un basculement définitif du côté obscur est l’efficacité des chansons concernées. Lynne, artisan pop, n’a pas perdu la capacité à composer des mélodies qui font mouche auprès du public : un gentil petit tube discoïde (« Shine a Little Love »), un remake sans vergogne de « Mr. Blue Sky », le hit d’Out of the Blue (« The Diary of Horace Wimp ») ou une rengaine disco-funk (« Last Train to London », qui rappelle « Evil Woman »), sont hautement addictives… Du moins pour qui n’a pas déjà écouté le reste de la discographie d’ELO, car ces compositions révèlent aussi une absence criante d’évolution et laissent une impression de superficialité. Discovery offre une musique attrayante en apparence, mais sans épaisseur et sans âme. Le grain de folie d’autrefois a disparu, et les trouvailles délirantes et brillantes (notamment l’usage décomplexé du vocoder) sont devenues de simples gimmicks.


Porté par le carton phénoménal de « Don’t Bring me Down », un boogie réjouissant bien qu’un peu balourd, l’album est un immense succès. Directement logé à sa sortie à la première place des charts anglais (longtemps réticent, le Royaume-Uni a définitivement capitulé), il y reste cinq semaines tandis que le reste du monde se précipite dessus. C’est la bande son de l’été 1979. Mais cette explosion commerciale se fait cette fois – contrairement aux années passées – au détriment de la qualité artistique. Des compositions incolores et vite oubliées (« Need her Love », « On the Run », « Whishing ») font de ce disque un produit sans ampleur et sans ambition. Signe des temps, Lynne a viré ses violonistes maison et se contente de gérer sans panache l’opulent aspirateur à dollars qu’est devenu ELO. A l’orée des années 80, après avoir survécu sans sourciller à la tornade punk, le groupe est en roue libre... (Baazbaaz - Fp).



TRACKLIST:


A1Shine A Little Love4:42
A2Confusion3:42
A3Need Her Love5:09
A4The Diary Of Horace Wimp4:17
B1Last Train To London4:31
B2Midnight Blue4:20
B3On The Run3:56
B4Wishing4:14
B5Don't Bring Me Down4:08





Bob Marley & The Wailers - Kaya



BOB MARLEY & THE WAILERS - KAYA (1978)
Island Records
 ‎- ILPS 9517 - (United Kingdom)

n’est absolument plus à faire. Personne ne doute de leur capacité à livrer une musique excitante, servie par des textes véhéments, tant sur le plan politique que sur le plan mystique. Rastaman Vibration et Exodus en sont d’ailleurs la démonstration parfaite. Pour autant, il serait incorrect de se figurer que toutes les dénonciations du groupe (aussi nobles soient-elles) ne gênent quiconque. Bob Marley a effectivement pris de gros risques et a failli en payer le prix fort. Y a-t-il un rapport ou est-ce une simple coïncidence, toujours est-il que Kaya est moins engagé, moins bouillant que ses devanciers. Loin de moi l’idée selon laquelle « Beuh » (oui, Kaya veut dire Ganja en langage familier) serait un mauvais disque, anecdotique et dérisoire mais force est de constater que Kaya ne possède pas le charisme d’Exodus ni la fougue de Rastaman Vibration. Succéder à ces deux monuments n’était toutefois pas aisé, effet de contraste oblige ! Kaya reste à coup sûr un disque adroitement mené…

Aborder cet opus est à la portée de tous, c’est une évidence. C’est d’ailleurs le reproche adressé par la plupart des détracteurs de ce disque. La confrontation politique est provisoirement bottée en touche, Bob Marley préférant s’aventurer sur le terrain balisé des chansons d’amour comme on l’envisage sur le désenchanté « She’s Gone », l’épicurien « Satisfy My Soul » et sur l’inévitable « Is This Love ? », titre emblématique s’il en est évoquant la relation entre Bob Marley et le mannequin Cindy Breakspreare. Le refrain « Is This Love, Is This Love, Is The Love / That I’m feeling ? » reste bien évidemment gravé dans toutes nos mémoires et sa résonance a depuis dépassé les frontières de notre galaxie. Il n’est cependant pas question que d’amour sur cet opus, on célèbre aussi joyeusement le mode de vie rasta avec « Easy Skanking », « Kaya » et hop c’est parti, celui-la on le fait tourner en indienne, les enfants… Je sais, on peut être sarcastique en disant que les Wailers nous font le coup à chaque fois et on n’aurait franchement pas tort ! Fort heureusement, quelques perles viennent étoffer l’ensemble des hostilités : je retiens pour ma part « Sun Is Shining » (très fleur bleue) et « Time Will Tell », véritable joyau caché de ce disque aux accents presque country.

Au final, on peut critiquer Kaya pour son aspect « commercial ». Dire que ce disque n’est pas aussi profond et incisif que les précédents n’est pas faux. Malgré cela, tout s’écoute avec plaisir et entrain. Il semble évident que l’on pouvait à l’époque craindre une baisse de régime durable suite à la sortie de ce disque. Nous pouvons désormais prendre du recul et remarquer ceci : Kaya a le défaut de se situer entre Exodus (1977) et Survival (1979). Dommage pour lui mais après tout, Kaya nous rappelle aussi qu’une des principales vertus (futile, certes) d’un disque est de nous divertir… (Cyril - FP).



TRACKLIST:

A1Easy Skanking
A2Kaya
A3Is This Love
A4Sun Is Shining
A5Satisfy My Soul
B1She's Gone
B2Misty Morning
B3Crisis
B4Running Away
B5Time Will Tell




samedi 17 mai 2014

Pretenders - II



PRETENDERS - II (1981)
Real Records - Sire K 56924 - (Germany)

Un an seulement après la sortie de son premier album (« Pretenders »), la bande à Chrissie Hynde revient avec douze nouveaux titres produits cette fois encore par Chris Thomas. L’ensemble a incontestablement muri surtout dans le jeu des guitares. James Honeyman-Scott est éblouissant, il apporte la substance mélodique à des compositions déjà bien solides. On retrouve ce fort penchant pour le rock’n'roll, les titres sont énergiques mais toujours contrebalancé par quelques ballades comme cette nouvelle reprise des Kinks (décidément) « I Go to Sleep ». « The Adultress », « Message of Love », « Pack It Up », « Talk of the Town », « Day After Day », « The English Roses » resteront comme quelques unes des meilleures chansons jamais écrites par le groupe, pourtant à sa sortie l’album est boudé par la presse… allez donc savoir pourquoi ? Cependant ce disque laissera à tout jamais un gout amer dans la bouche avec un sentiment d’inachevé… c’est en effet le dernier de la formation d’origine, le guitariste James Honeyman-Scott décède le 16 juin 1982 d’une overdose de cocaïne. Pete Farndon, alors viré du groupe par Chrissie Hynde à cause de ses addictions à l’héroïne, le rejoindra dans la tombe le 14 avril 1983. Parler alors de malédiction à l’encontre de The Pretenders tient de l’euphémisme. Chrissie Hynde s’en relèvera mais elle restera à toujours affectée par ces disparitions. Quant à nous, il nous reste deux albums, que dis-je… deux monuments du rock british dans toute sa splendeur.


TRACKLIST:

A1The Adultress
A2Bad Boys Get Spanked
A3Message Of Love
A4I Go To Sleep
A5Birds Of Paradise
A6Talk Of The Town
B1Pack It Up
B2Waste Not Want Not
B3Day After Day
B4Jealous Dogs
B5The English Roses
B6Louie Louie






jeudi 15 mai 2014

Led Zeppelin - I



LED ZEPPELIN - I (1969)
Atlantic ‎- HATS 421-40 - Reissue Colored (Spain)
Il y a très longtemps, il y eu le Big Bang. Puis les dinosaures. Puis la musique. Puis le rock'n roll au milieu des années 50 aux Etats-Unis. Puisant sa source dans le blues, le rhythm'n blues et la country, appréhendé dès ses débuts comme une musique batârde et sans avenir par les bien-pensants, le rock'n roll allait connaître nombre de mutations. Dans l'Angleterre des années 60, la brèche ouverte par les BEATLES favorise l'apparition et le succès de groupes de jeunes british qui contrairement aux 4 de Liverpool se prirent de passion pour le blues des pionniers. THE ROLLING STONES, THE WHO, THE KINKS, THE ANIMALS ou encore THE YARDBIRDS dont nous parlerons plus bas s'engouffrent dans la brèche avec des fortunes et des destins divers. C'est l'époque du British Blues Boom. Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique, un certain Jimi Hendrix révolutionne le monde de la guitare en expérimentant fuzz, effet wah-wah et tout ce qu'on peut faire avec un manche et six-cordes (y compris y mettre le feu lol). Les sauvages du MC5 et autres STOOGES terrorisent les braves parents à grand coup de distorsion, de contestation et d'autodestruction, ultimes soubresauts du renouveau d'un rock sauvage et incandescent en ces temps troublés.

A côté de l'unanimité et de la naiveté du mouvement hippie et du psychédélisme mais flirtant parfois avec celui-ci, de jeunes combos s'engagent dans la voie d'un rock plus dûr et bluesy. A la fin des années 60, les évolutions technologiques élargissent les possibilités et permettent de jouer plus fort et plus intensément ce fameux blues-rock "british" élaboré quelques années plus tôt. C'est dans ce contexte que naît ce qui allait devenir le hard rock, puis par extension le heavy metal. Certes, le style avait été effleuré dans les années 60 à quelques occasions : THE KINKS avec le fameux "You Really Got Me" dont le riff est devenu légendaire (chanson reprise dans la décennie suivante par VAN HALEN avec le succès que l'on sait). THE THROGGS avec "Wild Thing" (popularisé une seconde fois par Jimi Hendrix). Et même THE BEATLES avec "Helter Skelter" sur leur White Album (repris en 1983 par MOTLEY CRUE). Le style a été travaillé un peu plus en profondeur avec les YARDBIRDS (qui ont vu se succéder en leur sein 3 prodiges de la guitare : Eric Clapton, Jeff Beck et Jimmy Page) et CREAM (featuring Eric Clapton). Mais il a fallu un groupe, un seul, pour que ces débordements sonores deviennent un style à part entière. Ce groupe est LED ZEPPELIN, et leur premier album marque le début de la très longue histoire d'un style qui aura connu dans les décennies suivantes moults aventures, glorieuse descendance et provoqué nombre de passions (c'est beau).

Musicien de studio, le guitariste James Patrick Page (alias Jimmy) intègre en 1966 les fameux YARDBIRDS. D'abord comme bassiste, puis comme second guitariste aux côtés de Jeff Beck (il remplace Paul Samwell-Smith) puis comme seul soliste où il impressionne par son jeu et quelques expérimentations (la technique de l'archer). Les tensions subsistant dans le groupe mettent un terme à l'aventure YARDBIRDS en 1968. Seul Jimmy Page décide de continuer d'abord sous le nom de THE NEW YARDBIRDS. Devant honorer certaines clauses contractuelles dont une tournée en scandinavie, il s'entoure du jeune chanteur Robert Plant, du batteur John Bonham à la batterie et du bassiste John Paul Jones. Pendant cette tournée et sur une suggestion de son ami le batteur Keith Moon (THE WHO), Jimmy décide de rebaptiser le groupe LED ZEPPELIN, nom qui repose sur un jeu de mot (sous entendu "Lead Zeppelin", le "Zeppelin de plomb") et qui lui vaudra d'ailleurs quelques ennuis avec l'héritier de l'inventeur du fameux dirigeable.

Trouvant un mentor en la personne de l'imposant manager Peter Grant qui s'occupera des affaires du groupe avec Jimmy, ainsi que l'appui de la maison de disque Atlantic (qui eut du nez sur ce coup-là), les 4 hommes entrent en studio pour accoucher de ce premier disque qui, sans avoir l'aura légendaire du second volet (sorti quelques mois plus tard) est entré dans la légende et sème les ferments du genre. La formule fera date : la figure de proue bicéphale avec le jeune chanteur/hurleur blond à la chevelure de feu rivalisant avec LE guitar-hero qui joue fort, avec une bonne mixture de feeling et de démonstration. Derrière mais non des moindres, le batteur, véritable épine dorsale et le bassiste qui insufflent leur tempo avec finesse ou la violence du gros son. D'embryon, le jeune hard-rock encore accroché à son placenta blues se déploie et pousse ses premiers cris. Car pour beaucoup encore aujourd'hui, ce premier LED ZEPPELIN (et aussi II, IV et dans une moindre mesure l'excellent III) représente le rock "hard" dans toute sa pureté primale.

Doit-on revenir sur le génial et culte "Dazed And Confused", gros bébé graisseux que Page avait déjà composé et expérimenté dans les dernières années des YARDBIRDS (avec le fameux archer mentionné plus haut) et qui contient la quintescence du genre ? Début où se cotoient blues et lourdeur, où Bonham assène sa frappe de plomb, où Jones gratte 4 cordes goulues, où Page fait pleurer une guitare qui se traîne et où la voix déjà empreinte de feeling et de rage du jeune Plant se fait déchirante ou conquérante. Ce passage planant et enfin ce déluge de décibels orgasmiques sous la forme d'un solo de feu avant le final. LE morceau de l'album, LE premier cheval de bataille du ZEPPELIN sans parler d'un grand moment live. Plus court mais intense, "Communication Breakdown" a dû servir de bande originale aux premiers moments de headbanging de l'histoire (suffit de voire Robert Plant se secouer la touffe sur le clip). Un titre qui faisait sans nul doute partie de ce qui se faisait de plus virulent pour l'époque. Car l'heure est au réalisme, aux déboires humains, à l'amour, la haîne et la décadence. "The Dreams Is Over" chantait Lennon ... le rêve hippie est bien fini, c'est le retour de l'équipée sauvage et du rock de la rebellion. "Communication Breakdown" en est le manifeste.

Excellents aussi que ce "Good Times, Bad Times" au groove imparable, ces bon gros blues bien lourds que sont "You Shook Me" (frissons garantis quand la guitare s'envole) ou "I Can't Quit You Baby" (merci Mr Dixon !) ou ce final qui promet sur le nuancé et contrasté "How Many More Times". Grosse émotion que ce superbe "Babe, I'm Gonna Leave You" aux relents folks qui pleure la fin d'un amour où s'entrelacent passion et tendresse. "Your Time Is Gonna Come" et "Black Mountain Side" sont peut-être les moments les plus dispensables de l'album mais sont bien fichus quand même. Ce premier album de LED ZEPPELIN jette les bases et démontre l'énorme potentiel de ce groupe appelé à entrer dans la légende. Le deuxième volet sera le moment de l'envol des 4 hommes vers le succès et d'autres combos conquis ne tarderont pas à suivre. LED ZEPPELIN "EST" le premier groupe de hard rock, Led Zeppelin en est le premier manifeste dans les restes d'un blues fumant, 1969 en est l'année de naissance. L'histoire et le talent feront le reste. (PowerSylv - Metal Nightfall).


TRACKLIST:

A1Good Times Bad Times2:43
A2Babe I'm Gonna Leave You6:40
A3You Shook Me6:30
A4Dazed And Confused6:27
B1Your Time Is Gonna Come4:41
B2Black Mountain Side2:06
B3Communication Breakdown2:26
B4I Can't Quit You Baby4:42
B5How Many More Times3:30