QUEEN - THE WORKS (1984)
EMI - 1C064 2400141 - (France)
Épuisés par le rythme
infernal qu’ils se sont imposés, les membres de QUEEN sont au bord de
l’implosion fin 1982 lorsque le Hot Space Tour se termine. Leur dernier opus
est loin d’avoir séduit le public et Roger et Brian manifestent assez nettement
leur ressentiment quant à la direction empruntée, clairement destinée à faire
ce qui marche, quitte à faire une croix sur le charivari stylistique incessant
qui rendait la musique de nos Anglais si intéressante. Mais la longue tournée,
qui s’est admirablement déroulée, a rappelé à QUEEN combien il excellait en
faisant du Rock. Les membres du groupe décident pour la première fois de
prendre une année off, ce qui fera naître de premières rumeurs de séparation.
Brian May en profite pour s’éclater avec Eddie Van Halen et Fred Mandel, le
pianiste live de QUEEN et sort "Star Fleet Project", produit par
Mack, auquel Roger Taylor apporte ses chœurs pendant que ce dernier fait
fructifier sa carrière solo (dont le premier opus "Is There Fun In
Space" a connu un succès d’estime) et en s’investissant dans la production
d’albums en compagnie de David Richards (MAGNUM, SAMAEL) qui deviendra bientôt
producteur de QUEEN.
Quand les quatre se
retrouvent à la fin de l’été 83, chacun a recadré sa vision du groupe. Freddie
s’en ira faire ses ritournelles Electro Dance sur son premier album solo
"Mr Bad Guy" (1985), John Deacon va mettre à profit l’assurance qui
est maintenant la sienne et mettre son talent au service de nouvelles
compositions et Brian May retrouve la joie de faire résonner sauvagement sa Red
Special. Roger Taylor lancera à ses comparses au début des sessions : « Let’s
give them the works ! ». Photo des quatre protagonistes sobre en noir et blanc
et titre de circonstance, "The Works" prend les allures d’un retour
aux sources pour QUEEN… ou plutôt d’album-charnière. "The Works" est
ambivalent car il manifeste certes un net retour aux racines Rock du groupe
tout en conservant ce goût pour la Pop synthétique qui atteignait les extrêmes
sur "Hot Space".
"The Works" est plus Hard que "The
Game" avec des brûlots comme "Hammer To Fall" ou "Tear It
Up". Cette dernière, avec sa batterie basique, fait les yeux
doux à "We Will Rock You" et Freddie retrouve une agressivité vocale
qu’on ne lui soupçonnait plus et que seul "Put Out The Fire" avait
permis d’apprécier sur "Hot Space". Ambivalent car QUEEN est toujours
autant attiré par les sonorités synthétiques à l’image de "Radio
Ga-Ga" qui ouvre l’album avec boîte à rythme et synthétiseur basse.
L’entente revient dans le groupe et Roger laisse son bébé entre les mains de
Freddie et de leur pianiste live, Fred Mandel, le premier restructurant la
chanson et mettant son nez dans les paroles, le second ajoutant une partie de
piano surnageant dans le flot de claviers que comporte ce morceau qui développe
des textures sonores beaucoup plus gracieuses que sur "Hot Space".
Roger se charge de tous les chœurs et Brian habille le titre avec sa Red
Special, proposant un solo en slide.
Ce premier single, mis en
images par un très bon clip inspiré de l’univers du Metropolis de Fritz Lang
est un succès lorsqu’il sort en janvier 1984, un mois avant l’album. Et il
cartonne, devenant numéro un dans dix-neuf pays. Mais contrairement à "Hot
Space", "Radio Ga-Ga" est à l’image d’une bonne moitié de
"The Works", à savoir un Pop-Rock ultra-accessible aux arrangements
soignés que l’on retrouve sur "I Want To Break Free", qui sera
l’autre gros succès Pop de l’album, auréolé d’un clip où les membres du groupe
n’hésiteront pas à se travestir, pastichant la série britannique « Coronation
Street », s’attirant les foudres des puritains américains qui n’avaient déjà
que peu apprécié "Hot Space". Toujours influencé par son manager et
dans une phase provocatrice, Freddie jouera l’humour et surtout refusera d’assurer
la promotion de ce titre auprès des radios américaines et se fermera par
conséquent le marché. Ironie du sort, cet eldorado dont se prive QUEEN est
celui que la plupart des groupes de Hard Rock de l’époque vont chercher à
atteindre avec plus ou moins de succès (DEF LEPPARD, SAXON, WHITESNAKE).
L’autre facette de "The
Works", c’est un retour aux sources, à savoir, piano, basse, batterie,
guitare et harmonies vocales. Freddie se montre plus ambitieux dans l’exercice
de la ballade avec "It’s A Hard Life" dont les arrangements et le
solo soignés sont bien dans l’esprit des chefs-d’œuvre du groupe. Ce petit
trésor rehaussé d’amples harmonies vocales aurait sans nul doute trouvé une
place de choix sur "A Day At The Races". "Hammer To Fall"
est une autre mandale, de Brian May cette fois-ci, qui prend sa revanche et
ramène la guitare au premier plan. Seules quelques notes de piano de Fred
Mandel viennent agrémenter le second couplet. Ici on fait parler la poudre. Les
harmonies vocales de Brian May nous ramènent au bon vieux temps de "Fat
Bottomed Girls" et ce titre deviendra un sommet des concerts à venir où
Brian aura tout le loisir d’exécuter l’excellent solo, agrémenté d’harmoniques
artificielles perçantes. Brian continuera d’ailleurs d’interpréter ce titre en
solo en dehors de QUEEN tout comme "Tie Your Mother Down" qui a déjà
presque dix ans et à qui elle fait indirectement écho. Les paroles, évoquant la
peur nucléaire de la Guerre Froide revêtent un sens profond subtil typique du
guitariste.
Arrivés à ce stade, chacun
des membres du groupe a eu son hit. John Deacon continue sa moisson avec
"I Want To Break Free", Freddie nous régale avec "It’s A Hard
Life", pendant que Brian fait hurler les guitares sur "Hammer To
Fall", en contraste avec les sonorités synthétiques bien intégrées de
"Radio Ga-Ga", signée Roger Taylor. Deux sur la face A, deux sur la
face B, QUEEN est enfin parvenu à équilibrer la tracklist de ses albums. Si on
ne touche pas autant à la grâce sur l’ensemble de "The Works", on a
tout de même affaire a du bon.
"Tear It Up", bien
qu’un peu lourdingue, montre QUEEN sous un jour Heavy, qui culminera avec les
extraits de la B.O. d’Highlander de l’album suivant. "Man On The
Prowl", l’occasion pour Fred Mandel de s’éclater au piano, nous refait un
peu le coup de "Crazy Little Thing Called Love" avec Telecaster de
circonstance. Pas aussi ultime que son aînée, mais bien rafraîchissante comme
instant Rock And Roll. "Machines" ne laisse pas indifférente. En
général, soit on aime, soit on déteste. Cette collaboration May/Taylor tente de
combiner la technologie mise à disposition (l’utilisation du Fairlight
notamment) avec des guitares agressives qui tissent une ambiance de fin du
monde. Un peu comme si KRAFTWERK rencontrait le U2 de la même époque. Freddie
s’y montre impressionnant vocalement et Roger Taylor, qui est tombé amoureux
des synthés, ressort le vocoder pour la deuxième fois (il l’utilise déjà pour
certains chœurs de "Radio Ga-Ga"). "Keep Passing The Open
Windows" seul témoignage d’un début de B.O. commencé par le groupe pour «
L’Hôtel Du New Hampshire » est inspiré d’une expression récurrente du film. Une
pièce toute Mercuryenne comme il en délivrera l’année suivante sur son album
solo avec piano et chant théâtral au programme.
Et la nouveauté, c’est ce
titre acoustique situé en fin d’album. "Is This The World We Created
?", collaboration Mercury/May inédite (1), finit sur une touche douce et
mélancolique (malgré des paroles un peu faciles mais bien dans le ton de
l’époque et habitées par le sensible Freddie) "The Works", l’album
adulte de QUEEN, celui où il se recentre sur ses acquis au détriment hélas
d’une certaine prise de risque artistique. Il faut dire que l’accueil timoré
reçu par "Hot Space" les a vaccinés. Ne nous plaignons pas, la
qualité est bien là et QUEEN a redressé le tir de belle façon en sortant
clairement son meilleur opus depuis quatre ans. Comme quoi, il est parfois
salvateur de prendre son temps, ce que "A Kind Of Magic" viendra
confirmer. (Jeff KANJI - Metal
Nightfall).
TRACKLIST:
A1. Radio Ga Ga
A2. Tear It Up
A3. It's A Hard Life
A4. Man On The Prowl
B1. Machines (Or Back
To Humans)
B2. I Want To Break
Free
B3. Keep Passing The
Open Windows
B4. Hammer To Fall
B5. Is This The World
We Created...?
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