THE ROLLING STONES - SOMEGIRLS (1978)
Pathé Marconi - Emi - 2C06861016 - (France)
Les Rolling Stones ne sont
pas loin de toucher le fond à la fin des années 70. Après avoir vu leur rock’n
roll se déliter jusqu’à le perdre sur Black and Blue, après avoir été sur le
fil du rasoir des excès, c’est désormais une affaire judiciaire qui met leur
existence en péril.Keith Richards a été arrêté à Toronto en février 1977 pour
trafic d’héroïne et risque sept ans de prison, ce qui mettrait
vraisemblablement un terme au groupe. En panne d’inspiration, en danger de
mort, il va falloir quelque chose de fort pour sauver les Stones !
Et par miracle cela va
arriver. Car 1977, c’est d’abord l’année des punks qui débarquent et poussent
dans leurs retranchements les dinosaures, dont les Rolling Stones sont une
espèce des plus évidentes. Mais une espèce fière, qui ne se laisse pas
submerger facilement. Tout se passe comme si Jagger et les siens avaient de
nouveau quelque chose à prouver face à ces jeunes impudents. Comme c’est de
plus leur possible dernier album, autant se lâcher non ?
C’est ainsi qu’après avoir
pris leur temps pour l’enregistrer, les Stones sortent Some Girls en juin 1978.
Album qui allait devenir leur disque le plus vendu, tout en étant salué comme
leur retour aux affaires. Il faut entendre Charlie Watts, tout content de
rejouer enfin du rock qui déménage, se déchainer sur "When the whip comes
down". C’est alors que l’on comprend ce que ce disque a en plus de ces
prédécesseurs : on ressent tout du long le plaisir de ceux qui l’ont fait.
Un coup de frais qui doit
beaucoup à Mick Jagger. Keith Richards empêtré dans ses problèmes, c’est le
lippu qui impulse l’essentiel de la dynamique. Emballé par sa vie new-yorkaise
(qu’il célèbre dans "Shaterred"), il donne une forte orientation
américaine au disque, tant dans la musique que dans les paroles. Son chant est
constamment habité, débarrassé d’une bonne partie de ses artifices. Jamais il
n’aura été aussi à son aise qu’ici et jamais on n’aura eu autant envie de le
suivre dans ses délires. Avec la cerise en prime : "Miss You".
Essentiellement écrite par
ses soins, elle traduit dans la musique des Stones la mode d’alors : le disco.
Alors que ce style parait encore plus déplacé par rapport à ce qu’il joue
habituellement, le groupe est bien plus à l’aise que pour le funk de "Hot Stuff"
ouvrant Black and Blue. Dernier grand tube en date du quintette, trait de génie
pour certains et véritable trahison commerciale pour beaucoup, il convient de
ne pas trop s’attarder sur ce titre car il ne représente en rien l’esprit
général de l’album. Celui-ci est en effet forgé au rock comme on n’en n’a
pratiquement plus entendu depuis Exile on Main Street. "When the whip
comes down", "Lies", "Respectable" et
"Shaterred" envoient un maximum tandis que "Some girls",
"Far away eyes" ou "Before they make me run" jouent la
bonne vieille carte du blues. Soient les vieilles marmites stoniennes en pleine
ébullition.
Une marche vers l’essentiel
symbolisée par le faible effectif recruté par les Glimmer Twins pour
enregistrer le disque. Exit Billy Prestonnotamment, seul l’harmonica de Sugar
Blue (un musicien rencontré dans le métro mais promis à une belle carrière) se
taille une vraie place aux côtés des Stones qui n’en n’ont laissé que pour un
saxophone, un orgue et quelques rares percus.
En limitant le nombre de
musiciens (et donc d’influences), ils se recentrent sur la musique qu’ils
savent le mieux jouer et laissent la plus grosse place aux guitares. Keith
Richards n’étant pas au mieux, ce sont Mick Jagger et surtout Ron Wood qui
viennent le suppléer. Le nouveau guitariste se retrouve en première ligne et
s’en sort tout à fait honorablement en truffant l’album de parties de
guitare-slide savoureuses. Il n’a certes pas l’inspiration d’un Mick Taylor
mais n’en n’a nul besoin ici. Son jeu colle au contraire parfaitement avec
cette volonté de recentrage.
Keith Richards n’est pas non
plus totalement absent puisqu’en plus d’avoir participé à l’essentiel des
sessions, il a composé deux titres. Le premier ("Before they make me
run") fait le point sur ses problèmes d’alors, sur la lassitude qui
l’assaille et son désir de changement. Le second est la ballade de l’album,
"Beast of Burden". Un texte à nouveau introspectif mais surtout une
musique laissant la place aux traits de guitare inspirés soutenant un Mick
Jagger de haut niveau. Une réussite de plus fixée sur ce disque.
Si l’on met de côté Miss
You, ainsi que quelques détails annonciateurs des années 80 (la basse trafiquée
de "Shaterred", certains gimmicks de "Beast of Burden"),
Some Girls est d’abord un grand disque de rock’n roll, issu certainement de la
situation désespérante dans laquelle le groupe se trouvait. Quelques mois plus
tard Richards ne fut condamné qu’à jouer un concert au profit d’une association
d’aveugles. Les Stones furent par ailleurs comptés au rang des groupes plutôt
épargnés par le punk.
Hors de danger, ils se
complurent alors dans une situation confortable, devenant un groupe de
grand-messe populaire. Après tout pourquoi pas, ils venaient bien de prouver
qu’ils n’avaient plus rien à prouver. Ils pouvaient bien jouir tranquillement
de leur statut de groupe majeur. Mais on attend toujours le digne successeur de
Some Girls dans la liste des grands albums des Rolling Stones. (Destination Rock).
TRACKLIST:
A1 Miss You
A2 When The Whip Comes Down
A3 Just My Imagination (Runing Away With Me)
A4 Some Girls
A5 Lies
B1 Far Away Eyes
B2 Respectable
B3 Before They Make Me Run
B4 Beast Of Burden
B5 Shattered
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire