Kevin Rowland & Dexys Midnight Runners –
Too-Rye-Ay
Mercury – MERS 5 – LP – UK -
1982
Retour vers le futur.
Direction août 1982. Je n’étais pas bien grand. A peu de choses près, le même
âge que mon fils aujourd’hui. A l’observer, j’imagine que je devais, comme lui,
gambader allègrement en couche-culotte, croquer le monde avec un solide
appétit, jouer beaucoup, pleurer un peu, rire, être heureux, curieux, insouciant,
m’endormir comme un bienheureux sur la routes des vacances, à l’arrière de la
Simca 1100 rouge de mes parents. A défaut de pouvoir s’offrir une Ferrari, mon
père tenait absolument à ce que sa voiture soit rouge. Ça roule plus vite,
disait-il. Au Nord, c’était Les Corons. Henry Fonda et Ingrid Bergman cassaient
leur pipe pendant que Daniel Balavoine chantait Vivre ou Survivre. Le Père Noël
est une ordure débarquait sur les écrans de cinéma sans se soucier de la
saison. Monsieur Spok montrait le bout de ses oreilles sur les téléviseurs.
Sony et Philips inventaient le CD audio sans savoir que les enfants d’alors
s’accrocheraient encore trente ans plus tard aux antiques 33 Tours. Je n’ ai
pas la moindre idée de ce que mes parents écoutaient cet été-là. Mais si je
pouvais vraiment voyager dans le temps, autrement qu’en caractères
d’imprimerie, je leur dirais de farfouiller un peu chez le disquaire du coin et
d’aller dénicher d’urgence un disque extraordinaire: Too-Rye-Ay des Dexys
Midnight Runners.
J’en vois déjà venir
certains avec leurs gros sabots. Pourquoi nous rebattre les oreilles avec ton
vieux vinyle rayé alors que Dexys, désormais amputé de ses coureurs nocturnes,
vient de sortir un nouvel album tout beau, tout neuf, après tant d’années de
(quasi)-silence? Mettons tout de suite un terme à cette polémique stérile et
faisons frémir d’horreur ceux qui trouvent que mes avis sont généralement trop
tranchés. Si les trois albums originaux de la bande à Kevin Rowland avaient au
moins trente ans d’avance sur la musique, leur nouvelle livraison m’a tout
l’air d’en avoir trente de retard. Je ne m’explique d’ailleurs pas les
relatives bonnes critiques dont jouit le pâlichon One Day I’m going to Soar
autrement que par le plaisir des journalistes à voir Rowland sortir enfin de sa
réclusion. Ou peut-être par la crainte que leur inspire cet artiste réputé
caractériel. Quoi qu’il en soit, la chose, bien falote à mes oreilles, n’arrive
à la cheville d’aucun des trois chefs-d’œuvre offerts par le groupe dans la
première moitié des années 80. Un conseil à ceux qui étaient encore moins nés
que moi à l’époque, ne vous laissez pas endormir par cette récente escapade en
dehors de la maison de retraite. Voyagez vous aussi dans le temps et découvrez
Searching For The Young Soul Rebels, Too-Rye-Ay et Don’t Stand Me Down, trois
albums indispensables. Je reviendrai peut-être un jour sur les deux autres
mais, pour l’instant, attardons-nous, si vous le voulez bien, sur
Too-Rye-Ay. Alors que Rowland s’est
brouillé avec une bonne partie des membres du groupe, il revient deux ans après
Searching For The Young Soul Rebels à la tête d’un tout nouveau line-up. Si ce
nouvel opus garde intacte l’énergie héritée des débuts punk de Rowland et
consorts, il se caractérise surtout par un mélange inédit de rock, de soul et
de musique celtique. Cocktail détonnant qu’illustrent parfaitement le premier
titre du disque, The Celtic Soul Brothers et le recrutement de la violoniste
Helen O’Hara. La production, très soignée, confère au disque un son intense, volontairement
proche du live. La voix unique et facilement reconnaissable de Rowland fait des
merveilles. L’album, porté par le succès du single Come on Eileen, qui atteint
la première place des charts au Royaume-Uni et aux États-Unis, apporte une
consécration méritée à Rowland et les siens. Et peut-être aussi les tourments
d’une célébrité difficile à supporter pour cet individu aussi fragile que
génial. En 1985, Don’t Stand Me Down sera le chant du cygne de Dexys Midnight
Runners avant leur récent retour au premier plan. Nous verrons dans trente ans
ce que l’Histoire en aura retenu… (Cédric QUENIART).
TRACKLIST :
A1 The Celtic Soul Brothers
A1 The Celtic Soul Brothers
A2 Let's
Make This Precious
A3 All In
All (This One Last Wild Waltz)
A4 Jackie
Wilson Said (I'm In Heaven When You Smile)
A5 Old
B1 Plan B
B2 I'll
Show You
B3 Liars A
To E
B4 Until I
Believe In My Soul
B5 Come On
Eileen