dimanche 3 août 2014

Vangelis - China




VANGELIS - CHINA (1979)Polydor ‎– 2310 658 - Vinyl  Gatefold  (France)

Avec China, Vangelis nous livre un album dont l’objet est d’illustrer les grands moments de l’histoire de la Chine (comme la Grande Marche) ainsi que quelques-uns des poèmes et préceptes de la religion taoïste. Ce concept-album a été créé dans les studios Nemo de Londres, et une vidéo permet d’ailleurs de voir ce qu’il s’y passe. Mais comme les aspects techniques des machines reste pour moi du chinois (Hi hi), le mieux est de prendre connaissance de la musique en elle-même, piste par piste :
Chung-Kuo (Le mot Chine, traduit en mandarin) est une pièce envoûtante, à l’orchestration dépouillée. Son intro façon On the Run de Pink Floyd suivie d’une pluie de notes erratiques est emblématique du génie brutal de Vangelis. Que dire de cette ligne de basse synthétique si ce n’est qu’elle brille par sa simplicité ? Magique. La mélodie du thème inaugural est reprise calmement dans le morceau suivant, The Long March. Le titre du morceau fait référence à la longue Marche de 1934, qui est le périple d’un an au cours duquel l’Armée Rouge poursuivie par l’armée nationaliste du Kuomintang, parcouru 12.000 kilomètres à travers la Chine. La dernière section de cet air, mouvementée comme un concerto, escalade les octaves comme on gravit une montagne.
The Dragoon est un mille-feuille électronique qui comprend de nombreuses strates superposés de claviers. Un large spectre de raves et d’aigus sont intégrés comme autant d’éléments écarlates de la parure du dragon. Il sonne un peu comme certaines compositions contemporaines de Mike Oldfield, avec des pêches d’orchestre et un thème obsédant. C’est l’instrumentation la plus éparpillée de l’album.
The Plum Blossom est un court dialogue entre le piano « calme » de Vangelis et les vifs traits de violon de Michel Ripoche. C’est un morceau un peu à part du concept général de l’album, échevelé et que je trouve assez peu cohérent dans l’emploi de ses sonorités au regard du reste de l’album. 
Le deuxième air connu de China ets sans doute The Tao of Love. Mélodiquement très doux, le clapotis du Rhodes accompagne un savoureux  entremêlement de thèmes, qui se rejoignent dans un final éloquent. Sensible et brillant.
The little fete est un texte chinois du 8e siècle lu (en anglais) par Yeung Hak-Fun et Koon Fook Man, sur de larges nappes de synthétiseurs. Ce texte ésotérique traite du rapport de soi avec son ombre. Ai-je besoin d’en dire plus ? Non, pas vraiment.
Avec Yin & Yang, on rentre dans quelque chose de musicalement plus consistant. Il y est mélangé des instruments chinois (probablement une sorte de gu zheng, les fameuses cordes à gratter) et des synthétiseurs. Quelque ressemblance avec les Jonques de Pêcheurs au Crépuscule avec le début de celui-ci ne peut être ignorée. L’atmosphère de la deuxième moitié est assez difficile à définir, avec des moments de flottaisons, entre percussions et quelques gimmicks pop au clavier, avant de se terminer dans un magma style Spiral (mon disque de référence pour les années 70 chez le grec).
Et voici que se dresse devant nous les presque onze minutes d’Himalaya. Cette hymne à l’immobilité (celle de la montagne) est un morceau « ambient », où les effets sonores se succèdent à un rythme continu. Le piano de Vangelis plaque une série d’accords bien sentis, et sort de son Yamaha quelques torsades plutôt appétissantes. C’est rêveur, aérien, sobre, mais sur ce disque, ce n’est pas le point culminant, loin de là.
Et voilà, nous sommes au Summit, qui prolonge et accentue l’effet obtenu sur Himalaya. Les nappes de Vangelis et quelques éléments des morceaux précédents se combinent pour former une composition aux contours flous et malléables. Un travail de sculpteur sonore.
Au final, ce disque est bon, surtout pour sa première moitié (je ne dis pas cela qu’à cause des deux singles que j’ai mentionnés), et me retrouve moins dans sa deuxième partie, désincarnée. Mais peut-être était-ce une volonté de son auteur sous influence orientaliste, qui met en exergue le dualisme en toute chose ? (http://jeanmicheljarre.unblog.fr/).


TRACKLIST:
A1Chung Kuo1:43
A2The Long March5:50
A3The Dragon4:06
A4The Plum Blossom2:30
A5The Tao Of Love2:40
A6The Little Fete2:57
B1Yin & Yang5:46
B2Himalaya10:35
B3Summit4:45





Vangelis - Spiral




VANGELIS - SPIRAL (1977)
RCA ‎- NL 70568 - Reissue 1989 - (Germany)


Cet album est le troisième à sortir du studio londonien personnel de Vangelis, le Nemo. "Spiral" a la particularité d’être le premier album a avoir été entièrement réalisé avec un nouveau type de synthétiseur qui venait de sortir d’usine en 1976, le Yamaha CS-80. Pour l’amateur de progressif électronique, le CS-80 est un peu l’équivalent de la guitare Gibson Les Paul pour le hard rockeur ou la Gibson Explorer pour le heavy métallurgiste : un instrument mythique. Pour le claviériste, il y eut l’orgue Hammond B3 dans les années 60, le Mellotron dans les années 70, le Moog aussi. Eh bien, le Yamaha CS-80 est l’autre grande sensation technique et musicale de cette fin d’années 70. Ce monstre de près de cent kilos permet le séquençage du son et plein d’autres astuces qui vont emmener les musiciens électroniques dans des hauteurs insoupçonnées. La production de cet engin cesse dès 1980, mais ce dernier trouve sa place auprès des plus grands groupes (Chicago, Jethro Tull, Kraftwerk, Ultravox, Bon Jovi, Simple Minds, Paul McCartney, Brian Eno, Toto, Jean Michel Jarre, Yes, Asia, Rick Wakeman, Stevie Wonder, Phish, Daft Punk ou Tony Banks de Genesis, par exemple).

Sur "Spiral", Vangelis va tirer parti du Yamaha CS-80 un peu comme un gamin qui découvre un jouet magnifique et qui va se mettre à en exploiter excessivement toutes les possibilités. Le titre de l’album reflète bien ce qu’on va y trouver : des constructions tourbillonnantes, des tressages de sons et une utilisation intensive, voire abusive, du séquenceur. Vangelis compose cinq titres entièrement instrumentaux, mis à part "Ballad" où on entend la voix de Vangelis lui-même (profitez-en car c’est très rare). Un sixième morceau, "To the unknown man (part two)", ne sortira qu’en single mais figure en bonus sur la réédition Esoteric. On remarque notamment les morceaux "Spiral" et "Dervish D" qui insistent sur cette idée de tournoiement. Le titre "3 + 3" est également tourné vers la même philosophie, avec son rythme de valse et sa structure ternaire qui revient durant tout le morceau.

Plus démonstratif, "Spiral" ne se classe pas dans les hit-parades. Mais Vangelis n’est pas là pour se demander si la ménagère de moins de cinquante ans aime sa musique ou non. Il crée ici un album qui va poser les bases de la musique new age qui connaîtra un certain succès dans les années 80 et 90.



TRACKLIST:


A1Spiral6:55
A2Ballad8:27
A3Dervish D5:21
B1To The Unknown Man9:01
B23 + 39:43