dimanche 24 novembre 2013

Etienne Daho - Les Chansons de L'Innocence Retrouvées



ETIENNE DAHO - LES CHANSONS DE L'INNOCENCE RETROUVEE (2013)
Polydor - 374 619-1 - (France)
Les grands musiciens font toujours le même album, dit-on. C’est faux ! La discographie de Daho, par exemple, est un immense fouillis ordonné consacré aux artefacts de ses passions intimes : quelques déliquescences juvéniles (Mythomane, en 1981), beaucoup de dissertations poétiques (La Notte, La Notte et Pop Satori en 1984 et 1986), un foutoir de vague à l’âme feutré (Pour Nos Vies MartiennesCorps & Armes et Réévolution en 1988, 2000 et 2003). Après avoir été tant de choses - avant-coureur, créateur de styles, romantique, voire chanteur pour ménagère guindée - il lui aurait été facile de ne plus savoir qui il est. Mais plutôt que de céder le pas à la schizophrénie, Etienne Daho renoue ici avec des chansons à la fois insouciantes et mélancoliques, légères et optimistes : Les Chansons de l’Innocence Retrouvée, comme il les appelle.
Le résultat est d’abord un bel objet, dont l’illustration à été confié à Richard Dumas (Kate Moss, Bashung,…) – censurée depuis par la RATP qui, après Tati et Gainsbourg, s’attaque donc à un autre monument de la culture pop française. Mais la vraie plus-value de ce treizième album - hormis les compositions, bien entendu – se trouve dans ses crédits. Jugez plutôt : Jehnny Beth (Savages), Nile Rodgers, Dominique A, Debbie Harry, Au Revoir Simone, Yan Wagner et François Marry, décidément très bon même lorsqu’il n’officie pas avec ses Atlas Mountains, sans oublier Jean-Louis Piérot (Brigitte Fontaine, Bashung, Miossec,…) et Richard Woodcraft (The Last Shadow Puppets) à la production. Une équipée sauvage plutôt discrète – c’est à peine si l’on entend Jehhny Beth et Au Revoir Simone -, qui n’est visiblement pas là pour remettre en cause la musique de Daho, mais pour l’approfondir.
Ça tombe plutôt bien, car, d’Etienne Daho, tout le monde connaît les grands classiques : la pop hédoniste de « Week-End à Rome », l’intro de « Tombé Pour La France », le piano répétitif de « Le Premier Jour Du Reste De Ta Vie ». Mais au-delà de ses tubes, on avait oublié à quel point cet artiste a explosé les frontières musicales hexagonales, apportant une certaine forme d’innocence, patente et sensuelle, à la pop française. Seulement voilà, le rennais n’a pas toujours flirté avec l’excellence, et cela s’entend particulièrement sur EdenCorps & Armes et L’Invitation, trois albums certes intrigants, mais inégaux.
Mais on n’enterre pas ainsi les vieux briscards. Avec Les Chansons de l’Innocence Retrouvée, Le dandy retrouve sa véritable hauteur et signe au passage l’une de ses plus riches compositions « L’Homme Qui Marche », où on aurait juré apercevoir le fantôme de Gainsbourg. Les cordes, sous haute influence de John Barry, y dressent un décorum d’une parfaite cinégénie et apportent une certaine beauté au texte. Un procédé qu’il répète sur d’autres titres (« Un Nouveau Printemps », « Le Malentendu »), sans pour autant en faire un artifice pesant. Pas mal non plus, « Les Chansons de l’Innocence » remonte aux sources de la pop telle qu’on la concevait chez les « jeunes gens modernes ». Ici, pas de paroles inertes ou de postures calculées, Daho épouse une dynamique et démontre qu’il sait encore produire LE single, celui qui, sans trop en faire, ne vise qu’une chose : l’éternité.
Au fond, Daho a toujours aimé jouer avec les mélodies aguicheuses, les a plusieurs fois remis sur sa table de travail, comme s’il y avait toujours possibilité de les renouveler, comme si elles constituaient pour lui une source intarissable d’inspiration. C’est d’ailleurs de cette aisance à composer d’exigeantes mélodies populaires dont semble encore manquer la nouvelle génération de popeux made in France (Lescop, Aline, Granville,…), qui, s’ils inscrivent forcément leurs cocktails mélodiques dans la marmite de Daho, n’en ont pas encore tout à fait le goût. On ne compose pas des titres comme « La Peau Dure » ou « L’Etrangère »  sans avoir un certain background derrière soi - ce qui ne nous empêche pourtant pas de décrocher lors de quelques passages, notamment sur « Onze Mille Vierges », moins fringants que les autres compositions.
De manière assez logique, tout l’album est traversé par la question toujours aussi fascinante de l’innocence, celle d’un enfant qui s’amuserait à mettre en miettes son château de sable encore et encore, pour le bâtir différemment à chaque fois. Les Chansons de l’Innocence Retrouvée n’est donc ni le portrait incongru d’une rock-star à la dérive ni l’œuvre attristante d’un grand artiste en pleine décrépitude : c’est un laboratoire d’idées élégantes, de reliefs subtils, d’ornements inventifs et de détails harmoniques qui ne sautent aux yeux que si l’on s’y attarde un peu. Les murs d’Abbey Road, où l’album a été enregistré, ont sans doute leur part de responsabilité dans tout ça.
(Merci a Maxime DELCOURT pour sa belle chronique sur DumDum.fr).


TRACKLIST :
A1Le Baiser Du Destin3:54
A2L'Homme Qui Marche4:09
A3Un Nouveau Printemps5:17
A4Les Torrents Défendus3:32
A5La Peau Dure3:32
A6Le Malentendu3:48
B1L'Etrangère4:52
B2Un Bonheur Dangereux3:49
B3En Surface2:41
B4Onze Mille Vierges3:42
B5Les Chansons De L'Innocence

5:00


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